Le président de commune de Stäfa
«Nous avons entendu des phrases choc comme 'Je vais t'égorger!'»

Le président de la commune de Stäfa, Christian Haltner (PLR), intervient dans le débat sur la «Journée du genre». Il accuse l'UDC de théories du complot, parle de menaces de mort et fait son autocritique: l'invitation a enfreint les règles de langage de la commune.
Publié: 21.05.2023 à 09:40 heures
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Dernière mise à jour: 21.05.2023 à 11:16 heures
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Christian Haltner (PLR) est président de la commune de Stäfa. Dans cette interview, il raconte comment un flot d'insultes et de menaces s'est abattu sur la commune.
Photo: Siggi Bucher
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Fabian Eberhard

Son président n'a pas peur de le dire: la commune de Stäfa (ZH) étudie la possibilité de donner des suites pénales à l’annulation de la «Journée du genre». Celle-ci a lieu régulièrement dans l’école secondaire de l'agglomération zurichoise. Mais cette année, elle a été rayée de la grille horaire. En cause: des menaces, reçues notamment après un tweet publié par le conseiller national UDC Andreas Glarner. «Nous sommes en train de filtrer les messages et les posts relevant du droit pénal», glisse Christian Hartner. Interview.

Vous avez annulé la «Journée du genre» après une shitstorm. Avez-vous cédé devant vos opposants?
Absolument pas. La police nous a conseillés de prendre cette décision.

Les autorités ne devraient-elles pas être capables d’assurer la sécurité d’un tel événement?
La manifestation en elle-même n’était pas le problème: la police aurait pu la sécuriser. Mais des appels avaient été lancés sur Telegram pour intercepter les élèves en chemin et les dissuader de participer à l'événement. Les autorités auraient donc pu protéger le site de l’école, mais pas toutes les routes et sentiers qui y mènent. Nous ne voulions pas prendre de risques.

C’est l’invitation à la «Journée du genre» qui a mis le feu aux poudres. Elle a été diffusée sur les réseaux sociaux. Que s'est-il passé?
Les responsables de l’école et de la commune ont été pris sous un torrent d’insultes immondes. L’assistante sociale dont le nom et le numéro de téléphone ont été publiés a été particulièrement touchée. Elle a reçu de messages haineux tels que «sale menteuse» ou «J’aimerais bien en venir aux mains». Elle a été insultée et dénigrée. Sans parler des photos répugnantes qui ont envahi son téléphone portable.

Selon le journal local «Zürichsee-Zeitung», des menaces de mort figuraient parmi ces messages.
C’est malheureusement vrai. Des employés de l’école ont été harcelés par téléphone. Et ont entendu des phrases choc telles que «Je vais t’égorger»!

Que comptez-vous faire?
Nous analysons sereinement les suites à donner à cette affaire. Des personnes impliquées sont encore sous le choc. Je suis moi-même bouleversé. Nous ne devons pas fermer les yeux sur ces agissements, c’est important. Ce qui se passe ici est un scandale. C’est pourquoi, en tant que président de commune, j’ai décidé de prendre la parole publiquement.

Des suites juridiques sont-elles envisageables?
Nous sommes en train de filtrer les messages et les posts qui relèvent du droit pénal. Nous déciderons ensuite s’il faut porter plainte.

Cette shitstorm a été alimentée par des personnalités UDC comme le conseiller national Andreas Glarner, qui a posté l’invitation comprenant le nom et le numéro de téléphone de l’assistante sociale sur les réseaux sociaux. Allez-vous engager des poursuites à l’encontre d'Andreas Glarner?
Non. Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il s’agit d’une question politique et non juridique.

Pourquoi?
Une action juridique à l’encontre de M. Glarner serait sans doute vaine, car le contact de la personne concernée figure aussi par exemple sur le site web de l’école. Il est donc de toute façon accessible au public.

Sur le plan politique, le Conseil municipal de Stäfa a vivement critiqué Andreas Glarner. Dans une prise de position, vous l’accusez d'«incitation à la haine». N’y allez-vous pas un peu fort?
Je ne vois pas comment nous pourrions qualifier autrement ses appels contre la «Journée du genre». M. Glarner sait très bien quelle clientèle il nous envoie.

Dans cette prise de position, vous qualifiez aussi Andreas Glarner de «mauvais démocrate». Qu’entendez-vous par là?
La «Journée du genre» fait partie du programme scolaire 21, qui a été élaboré démocratiquement. Celui qui critique après coup sa mise en œuvre – et donc une décision populaire – et qui va même plus loin en demandant le licenciement de la direction de l’école n’est rien d’autre qu’un mauvais démocrate.

Critiquer le contenu de cette journée devrait pourtant rester possible.
Mais les personnes comme Andreas Glarner ou Roger Köppel ne s’y intéressent pas! Ils cherchent uniquement à exploiter leurs thèmes de prédilection. Et ce, sur le dos de notre commune. Ils instrumentalisent Stäfa et cette école pour faire le buzz. Nous n’avons pas besoin de recevoir de leçons venant de personnalités extérieures à Stäfa.

Des représentants de l’UDC accusent aussi l’école d'«endoctrinement de genre». Vous avez vous-même été enseignant. Qu’en pensez-vous?
Ce sont des idioties! Qu’ils arrêtent avec leurs théories du complot! Cette journée tourne autour de choses comme «Mon corps m’appartient» ou «Je dis non». Les élèves doivent être renforcés dans leur sexe biologique. C’est de cela qu’il s’agit, et non pas de garçons qui courent en jupe!

Mais le thème du genre est politiquement chargé. N’avez-vous pas fait preuve de naïveté? L’école n’aurait-elle pas dû se montrer plus prudente?
Sur le fond, je n’y vois absolument rien de problématique. Cette journée est organisée régulièrement depuis bientôt dix ans. La seule chose qui n’a pas été heureuse est la forme de la lettre de rappel envoyée aux élèves.

Dans quelle mesure?
Le logo transgenre et les étoiles de genre sur la lettre (ndlr: qui fait référence à des identités de genre variables au-delà du schéma binaire femme et homme) ne correspondent pas aux règles de langage de notre commune. Nous l’avons fait savoir à l’école et les responsables en tireront les leçons. Mais cette erreur ne justifie en aucun cas une shitstorm. L’UDC répète à tout-va qu’elle défend les valeurs suisses. Mais le respect et la décence font selon moi partie de ces valeurs.

Que voulez-vous dire?
Sur la scène politique, on peut se montrer dur lors d’un débat. Mais on ne rabaisse pas quelqu’un. Cela se fait peut-être dans d’autres pays, mais pas dans le nôtre.

La «Journée du genre» aura-t-elle lieu l’an prochain?
Ce thème sera certainement traité. Comme je l’ai déjà dit, le contenu de cette journée fait partie du programme scolaire et n'a rien de problématique. Seule sa forme sera revue. L’administration scolaire décidera s’il faut mobiliser une journée entière ou diviser les leçons en plusieurs unités.

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