Les chefs d'Etat d'Europe occidentale en ont assez. Tout d'abord, l'Allemagne n'a pas été autorisée à livrer à l'Ukraine des munitions de fabrication suisse, ni le Danemark à transmettre des chars de grenadiers à roues. Puis, fin juin, le Conseil fédéral a également refusé de restituer 96 chars Leopard 1 au fabricant allemand Rheinmetall.
Les chars actuellement stockés en Italie devaient être remis en l'état à l'Allemagne avant d'être transmis à l'Ukraine. «Honnêtement, j'ai été vraiment déçu et je trouve cela difficile à comprendre», avait réagi le Premier ministre néerlandais sortant Mark Rutte, en colère.
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Avec sa position très stricte, la Suisse ne se fait actuellement pas d'amis, ce qui pourrait coûter cher à l'industrie de l'armement locale. L'Allemagne produit désormais elle-même ses munitions Guépard. Et le parlement néerlandais ne veut plus acheter d'armes suisses.
Mardi dernier, dans le cadre d'un nouveau rapport sur les relations entre la Suisse et l'Union européenne (UE), le député européen autrichien Lukas Mandl a de nouveau dénoncé «des opportunités manquées dans les domaines de la géopolitique et de la sécurité».
Des exportations sous conditions
C'est un secret de polichinelle que la ministre de la Défense Viola Amherd voulait rendre possible l'accord Leopard 1. En effet, un rapprochement supplémentaire avec l'OTAN est un objectif déclaré de l'ensemble du Conseil fédéral. La participation prévue au bouclier antimissile européen Sky Shield ne serait qu'une étape dans cette direction.
En coulisses, son Département de la défense (DDPS) propose des stratégies alternatives: ainsi, il serait envisageable d'interdire l'exportation des chars Leopard 1 lorsqu'ils sont destinés à une zone de guerre. «Mais s'ils restent à l'Ouest, une transmission serait probablement possible», explique-t-on du côté du DDPS. Un scénario confirmé en principe par le Secrétariat d'État à l'économie (SECO), compétent en la matière.
L'exportation de 25 chars Leopard 2 – plus modernes – est donc concevable. A condition qu'ils servent uniquement à combler les lacunes des effectifs des pays de l'OTAN, sans se retrouver sur le front d'un conflit. Le Conseil fédéral et le Conseil national ayant déjà donné leur accord, il ne manque plus que la bénédiction du Conseil des Etats. «Il est donc possible que de nouvelles demandes adaptées soient faites pour les Leopard 1», estime le DDPS.
Berlin ne veut rien savoir
Toutefois, l'idée d'une solution alternative pour l'exportation de chars Leopard 1 vers l'Allemagne est rejetée en bloc à Berlin, comme le confirme le ministère de la Défense. Les acquérir ne fait sens que s'ils peuvent être envoyés en Ukraine. En effet, le pays n'a que faire des anciens Leopard 1: «Ce type de chars n'est plus utilisé activement dans les pays de l'OTAN. Ils ne pourraient pas servir à combler les lacunes des stocks, contrairement au Leopard 2», explique un porte-parole du ministère allemand de la Défense.
Désosser les chars Leopord 1 pour des pièces détachées n'est pas non plus une option: «Il serait difficile de faire comprendre à l'Ukraine que des chars en état de marche, dont elle a un besoin urgent dans sa lutte pour la survie, soient démontés.» Boris Pistorius nommé ministre de la Défense aurait également fait passer le message à son homologue Viola Amherd.
La tentative suisse de sauver la face a échoué. Le grand écart entre neutralité et solidarité avec l'Ukraine est de plus en plus douleureux.