La centrale de Zaporijia, une bombe à retardement
«Nous sommes à un millimètre de l'abîme nucléaire»

Depuis mercredi, la Russie bombarde à nouveau la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijia. Une de ses employées, qui a pris la fuite, se confie sur les conditions de travail dans une situation qu'elle décrit comme une bombe à retardement.
Publié: 25.09.2022 à 06:17 heures
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Dernière mise à jour: 25.09.2022 à 09:58 heures
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Les Russes occupent, depuis des mois, la zone autour de la centrale nucléaire de Zaporijia.
Photo: IMAGO/SNA
Samuel Schumacher, Yevhen Semekjin

5977 têtes nucléaires sont actuellement stockées dans des dépôts russes, estime la Fédération des scientifiques américains dans son dernier rapport sur le «statut des puissances nucléaires». Ces bombes à uranium ne sont pas le seul instrument nucléaire que Vladimir Poutine pourrait utiliser contre l'Ukraine, ou contre ses adversaires à l'Ouest de façon générale.

Si un accident se produisait dans la centrale nucléaire de Zaporijia, les effets seraient au moins aussi dévastateurs que l'explosion d'une bombe atomique, car ce site est l'un des plus grands du genre en Europe. La centrale se trouve actuellement entre les mains des Russes, installés dans la ville d'Energodar. Ces derniers doivent se prononcer dans les jours qui viennent par «référendum» sur son appartenance à l'autorité de Vladimir Poutine.

Depuis des mois, les forces russes comme ukrainiennes ont régulièrement bombardé la zone autour de la centrale nucléaire contestée. Dans la nuit de mardi à mercredi, des missiles russes se sont à nouveau abattus sur le site.

Aussi grave que Fukushima

Wolfgang Raskob, expert en technique nucléaire à l'Institut de technologie de Karlsruhe, n'a pas caché son inquiétude à la radio allemande Deutschlandfunk: «Une fusion du cœur nucléaire de Zaporijia, provoquée par la chute d'un missile, serait à peu près aussi grave que la catastrophe nucléaire de Fukushima de 2011.» Or, toutes les discussions sur une zone de protection autour de la centrale nucléaire, sous la médiation de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), sont jusqu'ici restées infructueuses.

Actuellement, des centaines d'employés ukrainiens continuent d'œuvrer dans la centrale assiégée. S'ils n'étaient plus là, le refroidissement des éléments combustibles des six réacteurs qui s'y trouvent serait menacé. Dans un tel cas de figure, le «plus grand accident envisageable» pourrait survenir.

Aujourd'hui, la centrale est coupée du réseau électrique central. Ainsi, ce système de refroidissement ne fonctionne plus que grâce à d'énormes générateurs diesel. Si ces derniers venaient à tomber en panne, le monde serait alors confronté à une nouvelle catastrophe nucléaire. Comparable à celle de Tchernobyl en 1986, ou de Fukushima il y a onze ans.

«Pas le choix» de retourner à Energodar

Kateryna a 45 ans. Elle était, jusqu'à récemment, employée à la centrale nucléaire de Zaporijia. Au début du mois de septembre, elle a fui la zone occupée pour se réfugier en Ukraine avec son fils et son mari. «Les travailleurs de la centrale nucléaire sont constamment soumis à un stress maximal. Et, après le travail, ils rentrent chez eux en courant, en espérant ne pas être touchés par des projectiles russes», raconte-t-elle au correspondant de Blick en Ukraine. Parfois, ils n'ont même pas pu rentrer chez eux. À la fin de leur service, censé durer huit heures, les employées et employés ont parfois dû enchaîner avec huit heures de travail supplémentaires.

Il est devenu de plus en plus difficile d'obtenir des denrées alimentaires et de l'eau potable, à Energodar. Des services d'aide psychologiques ne semblent pas vraiment à l'ordre du jour. «L'homme est fait pour beaucoup de choses, mais pas pour cela, appuie Kateryna. Tout le monde finit par craquer. S'ils s'effondrent, mes collègues finiront par abandonner leur poste. La conséquence serait une catastrophe mondiale! Nous sommes à un millimètre de cet abîme nucléaire.»

«Nous crions, nous vous appelons les gens à réaliser ce qu'il se passe» à Zaporijia, appelle encore la femme de 45 ans. A la fin du mois, elle veut retourner à Energodar, à son poste: «Je tremble de tout mon corps quand j'y pense. Mais je n'ai pas le choix, le monde n'a pas le choix.»

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