Il est l’homme que Madrid voudrait voir disparaître. Toujours poursuivi par la justice espagnole pour «terrorisme», Carles Puigdemont (61 ans) n’est d’ailleurs pas présent en Catalogne où 5,5 millions d’électeurs sont convoqués ce dimanche 12 mai pour des élections régionales anticipées.
C’est depuis le sud de la France, dans la partie catalane de l’Hexagone, que le leader indépendantiste a fait campagne et attend les résultats du scrutin qui décidera de son avenir politique, et du futur du Royaume d’Espagne.
Son parti indépendantiste Junts, qui talonne le Parti socialiste du Premier ministre Pedro Sanchez dans les derniers sondages, porte d’ailleurs aujourd’hui son nom. C’est pour ou contre Puigdemont que les électeurs catalans vont voter.
Avec, en tête, le souvenir cuisant du référendum sur l’indépendance du 10 octobre 2017 que ce dernier, alors président de la Généralité de Catalogne, avait organisé. Le «Oui» à la scission avec l’Espagne l’avait emporté à 90%, mais 42% des électeurs seulement s’étaient déplacés et le scrutin n’avait pas été reconnu internationalement. La répression politique s’était ensuite abattue sur les indépendantistes.
Depuis sept ans, le francophone Puigdemont n’a rien lâché. Longtemps réfugié politique en Belgique, près de Bruxelles, il est désormais basé en France d’où il a promis de revenir à Barcelone, si son parti arrive en tête du scrutin ce dimanche.
Puigdemont de retour? Ce serait plus qu’un coup de tonnerre. Le 14 mars, une loi d’amnistie pour les indépendantistes catalans arrêtés dans la foulée du référendum de 2017 a été votée par le Parlement espagnol. Le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez a tenu sa promesse faite lors des législatives de juillet 2023, qui l’ont reconduit au pouvoir à la tête d’une fragile coalition.
Puigdemont incontournable
Pour Puigdemont en revanche, l’affaire est bien plus compliquée. Son inculpation pour terrorisme demeure. Idem pour Marta Rovira, la leader du parti indépendantiste concurrent Esquerra Republicana, réfugiée à Genève.
Les deux partis Junts et Esquerra se disputent depuis des années le leadership indépendantiste. Junts penche à droite. Esquerra penche à gauche. Les deux partis étaient associés depuis 2021 dans une coalition qui dirigeait la Catalogne sous l’égide d’Esquerra. Mais le retrait de Junts, le parti de Puigdemont, par ailleurs mis en cause dans des affaires de corruption, a entraîné la convocation d’élections anticipées, faute de coalition pour voter le budget.
Puigdemont est un animal politique hors pair. Son exil n’a pas entamé sa popularité. S’il parvient à hisser son parti en première place et à devancer les socialistes espagnols hostiles à l’indépendance, sa «remontada» sera incontestable et sera un casse-tête pour les deux hommes à la tête de l’Espagne: le Premier ministre Sanchez (qui est plusieurs fois venu faire campagne à Barcelone) et le Roi Felipe VI, qui y a souvent été hué.
Il lui faudra, bien sûr, former une coalition. Il devra aussi tenir compte, si l’on en croit les sondages, d’une poussée probable des partis d’extrême-droite Vox (parti espagnol) et Aliança Catalana (parti indépendantiste). Il devra, enfin, reconstituer ou pas une alliance avec le parti Esquerra, donné en troisième position.
La poursuite du statu quo?
Le plus probable? Une forme de statu quo compliqué à gérer. Contrairement aux attentes des indépendantistes catalans, leur revendication et leur mouvement n’ont pas suscité d’élan de solidarité en Europe après le référendum avorté de 2017. Pedro Sanchez, le chef du gouvernement espagnol, au pouvoir depuis 2018, s’est aussi avéré être un très fin manœuvrier, au point que son Parti socialiste pourrait conclure un pacte avec Esquerra, la seconde formation indépendantiste.
Alors, l’Espagne va-t-elle se casser ce dimanche? Carles Puigdemont, le «roi» politique de Barcelone, va-t-il terrasser Madrid? Le plus probable est que le Royaume demeure ce qu’il est aujourd’hui: divisé, mais pas encore prêt pour une douloureuse et coûteuse scission.