Depuis samedi, des millions d'Ukrainiens ont l'impression de s'être fait flouer. Lors de l'attaque iranienne contre Israël, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne se sont immédiatement rendus sur place et ont apporté leur soutien aux Israéliens pour intercepter les drones et les missiles iraniens à l'aide de leurs avions de combat. Le taux de réussite a atteint 99%, pour un coût dépassant le milliard de dollars. Grâce à cette mobilisation, aucune perte humaine n'a été déplorée par Israël.
En revanche, les Ukrainiens assistent impuissants au massacre de leurs concitoyens et à la destruction de leurs villes par la Russie avec les mêmes missiles et les mêmes drones «Shahed», fournis par l'Iran. Des bombardements observés avec bien plus de passivité et de froideur par les alliés occidentaux. C’est dans ce contexte que le président Volodymyr Zelensky a pris une mesure radicale.
Le président ukrainien, habituellement reconnaissant et diplomate dans ses interactions avec les alliés occidentaux, s’est exprimé avec émotion au début de la semaine lors d'une allocution adressée directement aux gouvernements de Londres, Paris et Washington. Il souligne: «La rhétorique seule ne suffit pas à protéger notre espace aérien. Les belles paroles n'arrêteront pas la production de missiles russes.» Or, ces missiles auraient exactement le même impact en Ukraine et en Israël: «Ils visent des personnes innocentes.»
L'appel désespéré de Zelensky
Par cet appel désespéré, Zelensky envoie un message clair: «Si vous pouvez voler au secours d'Israël, pays non membre de l'OTAN et que vous neutralisez tous les projectiles ennemis, faites-le aussi pour nous! Nous méritons tous la paix, que ce soit en Israël ou en Ukraine. La terreur doit être vaincue partout, pas un peu plus à un endroit et un peu moins à un autre.»
Depuis le début de la guerre d'agression russe en février 2022, Kiev a sollicité l'Occident pour «sécuriser le ciel d'Ukraine». Si les Ukrainiens espéraient au début une zone d'exclusion aérienne, ils attendent désormais d'obtenir les moyens nécessaires pour arrêter les missiles et les bombes meurtriers. Récemment encore, Zelensky a souligné que l'Occident devait envoyer à l'Ukraine tous les systèmes de défense antiaérienne Patriot disponibles, et ce «afin qu'ils ne soient pas prochainement déployés à la frontière orientale de l'OTAN».
L'intervention réussie des alliés d'Israël ce week-end a montré l'efficacité des forces occidentales pour stopper les armes à distance utilisées par l'Iran et la Russie. Ce qui manque, c'est la volonté politique. Le ministre britannique des Affaires étrangères David Cameron a ainsi souligné que l'utilisation d'avions de combat occidentaux contre des projectiles russes sur l'Ukraine équivaudrait à une «escalade dangereuse».
Pour Bohdan Nahaylo, rédacteur en chef du journal «Kyiv Post», cette position est absurde: si les alliés de Kiev neutralisent des projectiles russes du ciel ukrainien, il ne s'agit pas d'une escalade, mais d'un acte de défense légitime d'un pays européen injustement attaqué.
L'espoir d'une aide américaine s'est envolé
Mais les voyants sont au rouge pour Kiev. Les Russes avancent irrémédiablement dans le Donbass sans se soucier de leurs pertes. Et de nouveaux problèmes politiques menacent les Etats-Unis: les républicains américains continuent de bloquer un nouveau paquet de mesures législatives, essentielles pour fournir l'aide militaire urgente dont ont besoin l'Ukraine, Israël et Taïwan.
Encore plus préoccupant pour l'Ukraine: le paquet de 95 milliards de dollars, qui aurait permis à Kiev de se procurer des armes et des munitions pour une valeur d'environ 60 milliards, doit apparemment être divisé cette semaine en trois projets de loi distincts. Les républicains envisagent d'approuver l'aide pour Israël, mais de renoncer aux milliards destinés à l'Ukraine, qui devient un fardeau politique de plus en plus lourd. Et ce, bien qu'une grande partie de cette «aide» irait directement aux usines d'armement américaines, qui pourraient produire pour le compte du gouvernement américain des munitions dont l'Ukraine a désespérément besoin.
Les plaintes de l'Ukraine étaient prévisibles au vu de la situation critique dans l'est du pays. Le soutien à Israël lors de la grande attaque iranienne l'était également. Israël est un allié de longue date de nombreuses puissances occidentales, l'Iran est un régime isolé dont les déclarations d'hostilité à l'égard de l'Occident sont connues de longue date.
Mais cela ne suffira pas à faire oublier à l'Ukraine l'absence d'une nouvelle aide. La perspective du «sommet de la paix» au Bürgenstock, en Suisse centrale, fait figure de goutte d'eau dans un océan. Sans une victoire militaire préalable contre les Russes, les Ukrainiens ne veulent même pas parler de paix.