Le Proche-Orient se trouve au bord d'un dangereux précipice. Après l'attaque de l'Iran contre Israël, qui marque sa toute première offensive directe contre son ennemi juré, les pays occidentaux tentent d'empêcher une nouvelle escalade par tous les moyens. Mais la paix est un défi de taille dans cette région déjà hautement tendue depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas.
Et au milieu de toutes ces tensions, la Suisse fait tampon. Depuis la prise d'otages à l'ambassade américaine de Téhéran en 1980, la Confédération, en tant que puissance protectrice, représente les intérêts des Etats-Unis en Iran. Comme les deux gouvernements ne se parlent pas directement depuis, c'est en qualité d'ambassadrice, voire de médiatrice, que les deux pays considèrent la Suisse.
Sur l'attaque de l'Iran
La Suisse n'est pas un intermédiaire, mais un transmetteur de messages
«Il ne faut pas mal interpréter le rôle de la Suisse en tant que puissance protectrice», déclare l'ancien diplomate de haut rang Tim Guldimann. Selon lui, la Suisse n'est pas un intermédiaire, mais un transmetteur de messages.
«Il est possible que le mandat de puissance protectrice conduise à un rôle de médiateur. Mais en premier lieu, la Suisse est uniquement un transmetteur de messages entre les gouvernements de Téhéran et de Washington», rappelle l'homme politique.
Comment se passe la transmission des messages par la Suisse?
Si les services de la Suisse viennent à être sollicités par l'un ou l'autre des deux pays concernés, l'ambassade est alors informée par téléphone. Un collaborateur de la représentation diplomatique va alors chercher le message auprès du ministère iranien ou américain des Affaires étrangères.
Le message est ensuite envoyé par un canal crypté à Berne et à l'ambassade suisse à Washington ou à Téhéran. La communication est alors décryptée, imprimée et remise à l'un ou l'autre des ministères des Affaires étrangères.
L'ambassadrice suisse est joignable 24 heures sur 24
Ces mandats de puissance protectrice représentent des coûts important pour la Suisse. Markus Leitner, ancien ambassadeur de Suisse en Iran, consacre jusqu'à la moitié de son temps de travail au mandat de puissance protectrice, comme il l'avait estimé dans la «NZZ».
L'ambassadrice suisse Nadine Olivieri Lozano doit être joignable 24 heures sur 24 pour répondre à ce service. Elle est à la tête de la mission suisse en Iran depuis juillet 2022. Il y a un an, Nadine Olivieri Lozano avait fait les gros titres après avoir visité une école considérée comme un des bras des Gardiens de la révolution, proche des cadres du Hezbollah. L'ambassadrice y était apparue intégralement voilée.
On peut donc supposer que le week-end dernier aussi, les communications entre Washington et Téhéran sont passées par l'ambassadrice. «C'est un canal établi, dont l'utilisation n'est donc pas une déclaration politique», explique Tim Guldimann, qui a lui-même été ambassadeur de Suisse à Téhéran de 1999 à 2004. «Si l'on veut faire passer des messages discrètement, la puissance protectrice s'impose», avertit le politologue.
La Suisse, puissance protectrice pour six États
Certains mandats de puissance protectrice ont également une autre fonction. La Suisse assure aussi la protection consulaire des citoyens américains en Iran. Cela signifie que le service des intérêts étrangers de l'ambassade suisse à Téhéran traite toutes les demandes de passeport et de changement d'état civil des citoyens américains, et s'occupe des intérêts des Américains emprisonnés en Iran. Dans certains cas, un rôle de médiateur est parfois imputé à la Suisse dans le cadre des bons offices. Ces dernières années, la Suisse a par exemple contribué à l'échange de prisonniers entre l'Iran et les Etats-Unis à plusieurs reprises.
Actuellement, la Suisse gère six mandats de puissance protectrice. En comparaison historique, c'est peu. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle en recensait plus de 200. Mais en somme, cette baisse de demandes profite à la Suisse: moins il y a de mandats de puissance protectrice, moins il y a de conflits.
Pour Tim Guldimann, la Suisse n'en sera pas moins demandée en tant que puissance protectrice. «La Russie a un problème avec la Suisse en raison de notre participation aux sanctions de l'UE depuis l'attaque russe contre l'Ukraine et pourrait donc chercher d'autres puissances protectrices, cite-t-il comme exception. A part ce cas, je ne vois pas d'autres raisons à ce que l'intérêt des Etats pour cette fonction de la diplomatie suisse diminue.»