Ceux qui ne croient que ce qu'ils voient... devraient peut-être revoir ce principe. Depuis le 15 mars dernier, la cinquième version de l'intelligence artificielle (IA) graphique MidJourney est sortie. Ce logiciel crée des images à partir de descriptions textuelles. Et le résultat est bluffant.
Les productions sont bien plus réalistes, et l'IA propose des contenus très proches des requêtes de ses utilisateurs. Des améliorations conséquentes, par rapport à ses versions ultérieures, qui propulsent MidJourney au top du game, en compétition avec sa collègue artificielle DALL.E 2.
Cette intelligence artificielle participe donc à la nouvelle transition technologique déjà initiée par Chat GPT, un assistant virtuel, qui, quant à lui, produit du texte. Et si celui-ci peut soulever des questions de droit d'auteur, MidJourney interroge quant aux images fabriquées de toutes pièces que l'on peut retrouver sur la Toile. L'exemple tout trouvé pour illustrer cette problématique est la polémique quant à l'arrestation de Donald Trump.
De quoi s'agit-il? Depuis mardi, des illustrations inondent la Toile, et en particulier Twitter. Elles montrent l'ancien président américain embarqué de force par le FBI. Spoiler alert: tout est complètement, entièrement, catégoriquement... faux. Mais empreint d’un réalisme à faire pâlir Gustave Courbet.
Pour rappel, le républicain avait annoncé le 18 mars qu’il allait être «arrêté». Pourquoi? Il est accusé d'avoir acheté le silence d'une actrice pornographique avec laquelle il aurait eu une liaison.
Le problème: alors que certains internautes détectent les fakes, d'autres pourraient bien y croire. «Lorsque l'on voit une photo, on se dit intuitivement que c'est une preuve, soulève Nicolas Capt, spécialiste du droit des médias, des nouvelles technologies et de la réputation en ligne. Or, en 2023, ce n'est plus le cas, les manipulations d’images et leur génération étant à la portée du plus grand nombre.»
A comprendre: de telles images pourraient facilement être prises au sérieux par celui ou celle qui les visionnent. «La moindre information polémique sur Trump peut mettre le feu aux poudres et inciter les gens à réagir de manière très forte, concrétise Nicolas Capt. C'est une personnalité très polarisante et galvanisante.»
Dans la même veine, d'autres visuels produits par l'intelligence artificielle ont également fait le tour des réseaux. On y retrouve notamment le président russe Vladimir Poutine, jugé devant la Cour pénale internationale de la Haye. Ou encore le président français Emmanuel Macron qui mange de la terre.
A-t-on même le droit légalement de créer de tels fakes? «Cette question touche aux droits de la personnalité», souligne le spécialiste. Et les considérations sont différentes lorsqu'il s’agit de personnalités publiques, «celles-ci sont souvent l’objet de représentations satiriques et cela est assez largement admis». Lorsque l'image construite représente une personne ordinaire, l’appréciation est différente: «On admettra plus facilement une atteinte à la personnalité – à laquelle il peut être répondu par la voie civile, voire même pénale, dans les cas graves.»
Lorsque ces images représentent une personne ordinaire, les considérations sont différentes. «Il peut y avoir atteinte à l'honneur, ou atteinte à la personnalité – cela peut alors devenir une affaire de droit civil, voire de droit pénal, si l'action est grave.»
La limite à ne pas dépasser? Passer de la satire à la manipulation d'information. Dans le cas de l'arrestation de Donald Trump, on pourrait se demander si la ligne a été franchie.