Des tensions électrisent à nouveau les campus américains entre manifestations pro-palestiniennes et accusations de montée de l'antisémitisme. Elles interviennent quatre mois après les démissions très médiatisées de deux présidentes d'universités. Celle de Columbia, Nemat Shafik, a décidé lundi que tous les cours se tiendraient en distanciel et a appelé dans un communiqué à «remettre les choses dans l'ordre».
Sous un soleil printanier lundi, des dizaines de tentes – pour éviter de se faire facilement déloger – sont plantées sur la grande esplanade de l'université, occupée par les manifestants qui dénoncent la guerre menée par Israël à Gaza, territoire palestinien en proie à un désastre humanitaire.
Grande présence policière
Aux abords du campus de Manhattan, au cœur de New York, des groupes de manifestants pro-palestiniens et pro-israéliens se font face, sous forte présence policière. Les bouches de métro les plus proches sont fermées. Ces manifestations «se sont transformées en une question sur la liberté d'expression», a résumé à l'AFP un étudiant ne soutenant aucun des deux camps, et qui n'a pas souhaité donné son nom. Depuis jeudi et l'arrestation d'une centaine de personnes lors d'un rassemblement sur le campus, les tensions n'ont cessé de s'accentuer, d'abord à Columbia puis sur de nombreux campus dans le pays.
Les arrestations, c'était «l'option nucléaire», regrette Joseph Howley, professeur de grec et de latin à Columbia. «L'université s'est tout de suite saisie d'un mauvais outil. Et elle ne s'est pas simplement trompée, elle a empiré la situation», ajoute auprès de l'AFP celui qui est aussi membre d'un groupe d'enseignants plutôt pro-palestinien.
«Un sujet très, très sensible»
«Il y a eu un grand débat à savoir s'il faut ou non mobiliser la police», a dit la présidente Nemat Shafik dans un communiqué, les forces de police ne pouvant intervenir sur le campus, une propriété privée, qu'avec son accord. Le débat fait rage au sein du monde universitaire entre, d'un côté, ceux qui dénoncent les manifestations provoquant, selon eux, une montée de l'antisémitisme, et de l'autre, ceux qui défendent la liberté d'expression.
«C'est un sujet très, très sensible. On essaie de faire de notre mieux», a déclaré lundi Mike Gerber, le responsable aux affaires juridiques de la police new-yorkaise. «Aucune forme de violence ne sera tolérée. Les dégâts matériels, quels qu'ils soient. Toute forme de criminalité. Et cela inclut le harcèlement, menaces (...) ou toute autre chose de ce genre», a-t-il ajouté.
«99% d'entre nous sont ici pour la libération de la Palestine» mais aussi d'autres peuples pris dans la guerre comme au Soudan, explique à l'AFP Mimi Elias, étudiante d'origine mexicaine qui dit faire partie de la centaine d'étudiants arrêtés jeudi et depuis suspendus de l'université. «Nous ne sommes pas pour l'antisémitisme, ni pour l'islamophobie. Nous voulons la libération de tout le monde», clame-t-elle.
Les campus l'épicentre des tensions
Plus au sud de Manhattan, le campus de la New York University (NYU) est aussi sous tension. La direction a demandé à des manifestants d'évacuer une place. Sur le campus de l'université Yale, au nord de New York, des centaines d'étudiants ont agité drapeaux et pancartes pro-palestiniens. Au moins 47 personnes ont été arrêtées, selon un communiqué de l'université lundi.
A Boston, Rayan Amim, étudiant à l'Emerson College, a expliqué à l'AFP manifester «pour condamner sans relâche le génocide en cours des Palestiniens de Gaza et le nettoyage ethnique qui dure depuis plus de 75 ans». Le parc au coeur du campus de Harvard est fermé au public pour toute la semaine.
Les campus américains sont le théâtre de tensions depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas le 7 octobre. Dénonçant une montée de l'antisémitisme, les républicains se sont emparés dès l'automne du sujet et après une audition houleuse au Congrès, la présidente de l'université de Pennsylvanie Elizabeth Magill et son homologue d'Harvard Claudine Gay ont démissionné, respectivement en décembre et en janvier.
Celle de Columbia, entendue la semaine passée au Congrès, a assuré que l"«antisémitisme (n'avait) rien à faire sur notre campus», ce qui n'a pas empêché les appels à sa démission d'élus républicains, qui dénoncent une «anarchie». Lundi, le président américain Joe Biden a condamné les «manifestations antisémites» tout en dénonçant «ceux qui ne comprennent pas ce que vivent les Palestiniens».
(ATS)