Dans la doctrine militaire russe, le soldat n'est pas considéré en premier lieu comme un être humain, mais comme une ressource - du ravitaillement pour le hachoir à viande d'une guerre sans merci. Si Vladimir Poutine veut vraiment lancer la grande offensive attendue dans les semaines à venir, stabiliser la situation dans le Donbass annexé et s'en tenir au renversement du gouvernement de Volodymyr Zelensky, il aurait besoin de beaucoup plus de troupes. C'est pourquoi des rumeurs circulent en Russie sur une deuxième vague de mobilisation imminente. On parle même de mobilisation générale.
Des images de la ville de Bakhmout, dans l'est de l'Ukraine, montrent avec quelle dureté la guerre est menée: des arbres déchiquetés s'élèvent vers le ciel, des corps sans vie jonchent le sol. Les forêts sont devenues un paysage de cratères, les zones résidentielles, une zone de mort. Depuis des semaines, des soldats russes attaquent et meurent lors d'attaques contre des positions ukrainiennes. Avec la forte participation de mercenaires, la Russie aurait réussi à s'emparer de la ville voisine de Soledar. L'Ukraine a démenti.
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Des milliers de morts
Si les affirmations de Moscou sont exactes, il ne s'agirait pas d'un succès tactique, comme le constate l'Institute for the Study of War (ISW) à Washington - mais d'une victoire à la Pyrrhus: à quelques kilomètres à l'ouest se dressent déjà les prochains remparts de défense ukrainiens.
Au milieu de la guerre, les chiffres des pertes ne sont pas vérifiables, mais le tribut de sang devrait être énorme des deux côtés. Quid du bilan provisoire? Des milliers de morts et peu de gains de terrain.
Au Nouvel An, le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiy Reznikov, s'est adressé directement au peuple russe: «Je sais très bien qu'il vous reste une semaine.» Ensuite, la prochaine mobilisation commencera. La date limite était fixée au 5 janvier, mais le Kremlin n'a pas réagi. La date du 15 janvier circule désormais comme date possible, c'est-à-dire demain.
Mais les observateurs estiment qu'il est peu probable que Vladimir Poutine confirme publiquement cette date. Le ministre ukrainien de la Défense, quant à lui, est moins soucieux de donner une date précise que de déstabiliser son adversaire. Ce n'est pas un hasard si son discours a été publié sur la plateforme Youtube, qui n'est pas bloquée en Russie. Oleksiy Reznikov doit en être conscient: seul le chef du Kremlin décidera si et quand il annoncera une nouvelle mobilisation.
Un dilemme poutinien
D'un point de vue militaire, il serait toutefois grand temps de mobiliser davantage de Russes, comme l'ont prouvé les cuisantes défaites à Kharkiv et à Kherson. C'est bientôt l'anniversaire du début de l'invasion, et Vladimir Poutine a donc de plus en plus besoin de succès démontrables. La prise de Soledar serait trop insignifiante du point de vue de la tactique militaire.
Les Russes doivent faire face à de nombreux problèmes, que ce soit le manque d'équipement ou la diminution des stocks de munitions. En théorie, ils n'ont que des soldats. Les Ukrainiens peuvent mobiliser environ un million de réservistes - la Russie en aurait 30 fois plus à sa disposition.
Pour Ulrich Schmid, professeur de culture et de société russes à l'université de Saint-Gall, il semble clair que Vladimir Poutine se trouve face à un dilemme. «Il a besoin de plus de personnel militaire, mais ne peut pas le recruter ouvertement.» La fuite massive après la mobilisation du 21 septembre l'a montré: «Beaucoup ne sont pas prêts à mourir pour la Russie». Selon lui, le président russe doit éviter de continuer à se mettre la société à dos.
Au début de l'invasion, le Kremlin a affirmé que les mères russes ne devaient pas craindre pour la vie de leurs fils: «En Ukraine, seuls les professionnels se battent.» Après la mobilisation partielle de cet automne, le Kremlin a ensuite dit que les réservistes appelés suffisaient. Ulrich Schmid estime que «pour une mobilisation supplémentaire ou même une mobilisation générale, Poutine devrait admettre une défaite imminente. Et cela, il le craint comme le diable craint l'eau bénite.»
Des hommes brutalement arrêtés dans la rue
Pourtant, sur la base du décret de mobilisation du 21 septembre, l'armée russe peut continuer à enrôler des réservistes. Le décret correspondant n'est pas limité dans le temps et ne peut être abrogé que par un autre décret - que le chef du Kremlin n'a pas encore promulgué.
Jusqu'à présent, les autorités ont simplement annoncé une pause dans le processus de mobilisation, afin de pouvoir procéder à la collecte des conscrits entre le 1er octobre et le 31 décembre. Les centres de mobilisation n'ont pas été en mesure de gérer les deux processus en même temps.
«Rien ne s'oppose désormais à la reprise complète de la mobilisation», a ainsi déclaré Maria Kuznetsova, porte-parole de l'organisation de défense des droits de l'homme OVD-Info. La soi-disant «deuxième mobilisation» se traduira par des chiffres en forte hausse. Mais en principe, poursuit Maria Kuznetsova, des réservistes ont été enrôlés sans interruption depuis le début de la première vague: «Nous connaissons quelques cas, notamment en décembre, où des hommes ont été brutalement arrêtés dans la rue et emmenés dans des centres de mobilisation - même à Moscou.»
Le dirigeant du Kremlin est conscient qu'il n'est pas possible de contrôler de manière indépendante si 300'000 réservistes ont été enrôlés - comme indiqué - ou si 600'000 l'ont été en fin de compte. Vladimir Poutine a certes un besoin urgent de plus de soldats, mais il n'annoncera pas en grande pompe une deuxième vague de mobilisation. Il se contentera de la mettre en œuvre si besoin.