Jean-Luc Mélenchon a préféré divorcer avant de se remarier. Le fondateur de La France Insoumise (Gauche radicale) a décidé, ce lundi 15 juillet, de retirer sa formation des négociations avec les autres partis constitutifs du Nouveau Front Populaire (NFP) pour la désignation d’un candidat unique au poste de premier ministre français. L’espoir de voir cette coalition électorale de gauche – arrivée légèrement en tête au second tour des législatives, le 7 juillet – former un gouvernement, est donc en train de s’estomper. Il faudra désormais attendre l’ouverture de la nouvelle législature de l’assemblée nationale le 18 juillet pour y voir plus clair.
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Emmanuel Macron a-t-il pour autant les mains libres pour désigner le premier ministre français qui succédera à son protégé Gabriel Attal, dont il devrait accepter la démission ce mardi 16 juillet? La constitution française lui permet, rappelons-le, de nommer qui il veut. A charge pour le chef du gouvernement de trouver ensuite une majorité de députés pour le soutenir. Sans candidat crédible pour succéder à Attal, le gouvernement actuel, bien que démissionnaire, continuera de gérer les «affaires courantes». Et si la solution consistait à s’éloigner des chefs de partis pour désigner une personnalité qualifiée, mais très politique et ancrée de manière crédible à gauche? Voici quelques pistes.
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Laurence Tubiana, la femme orchestre
Son nom aurait été proposé à Emmanuel Macron, qui la connait bien, par les socialistes, les écologistes et les communistes. Le président, dit-on, était en partie à la manoeuvre puisqu'il a plusieurs fois cherché à lui confier un ministère dans le passé. Logique donc que LFI renacle. Cette économiste de 73 ans, spécialiste du climat, est surtout connue pour être une femme orchestre, capable de coordonner un travail collégial comme elle l'a fait lors de la COP 21, la conférence de Paris sur le climat de 2015. Le locataire de l'Élysée la connait bien, car il était alors l'un des principaux conseillers de son prédécesseur socialiste François Hollande. Autre atout pour cette négociatrice longtemps proche de Lionel Jospin: avoir toujours milité à gauche, et avoir co-présidé la Convention citoyenne sur le climat de 2019-2020. Elle a également collaboré avec l'ancien premier ministre Edouard Philippe.
En résumé: Macron-compatible, mais déjà torpillée
Laurent Berger, le syndicaliste
Il est, à 55 ans, l’homme qu’Emmanuel Macron redoute sans doute le plus de nommer à l’Hôtel Matignon, au siège du premier ministre, véritable poste de pilotage de l’État français. L’ancien patron du syndicat réformiste CDFT est tout ce que le président a jusque-là détesté et écarté: un homme de compromis, un homme qui prend le temps de la négociation, et un homme qui a toujours joué collectif, notamment pendant les manifestations contre la réforme des retraites. Laurent Berger vient de cosigner un livre avec le sociologue Jean Viard. Son titre: «Pour une société du compromis» (Ed. de l’Aube). Il est proche du parti socialiste. Il est respecté des patrons. Problème: il n’a pas confiance dans Macron. Et c’est réciproque.
En résumé: Bon casting, mauvaise alchimie
Hubert Védrine, le diplomate
Personne n’en parle comme chef du gouvernement. Mais l’ancien ministre des Affaires étrangères de la gauche plurielle, sous Lionel Jospin, serait un choix judicieux. Ancien secrétaire général de l’Élysée sous la présidence de François Mitterrand, Védrine connaît tous les secrets de l’État. Et sa pratique d’avocat d’affaires, depuis vingt ans, lui a permis de côtoyer tous les patrons français. Il se voit, à 76 ans, comme le «Kissinger» français. Il plaît aux intellectuels. Il vient de publier un livre sur Albert Camus (Ed. Plon). Point intéressant: il est bien plus souverainiste que Macron, dont il a souvent critiqué les élans «européistes». Védrine serait-il acceptable pour le président? Sans doute. Et pour Mélenchon? Pas impossible. L’opposition la plus forte viendrait sans doute des Verts, sur lesquels il se montre très critique.
En résumé: Un professionnel, donc irritant
Jean-Marc Jancovici, le scientifique
Cet ingénieur polytechnicien de 62 ans est la coqueluche des écologistes et des industriels. Pourquoi? Parce qu’il est le point d’équilibre entre les deux, notamment en raison de sa défense de l’énergie nucléaire. L’homme est apprécié des médias, depuis la parution de son best-seller «Le monde sans fin» (Ed Dargaud). Une partie des Verts ne l’aiment pas, car ils le jugent trop peu radical. Soit. Mais «Janco» sait slalomer et se tenir à l’écart des joutes politiciennes. Seul accroc: il milite ouvertement pour la décroissance, ce qui ne plaira pas au président productiviste Emmanuel Macron.
En résumé: L’outsider, mais pas consensuel
Martine Aubry, la technocrate
Pas besoin de présenter l’actuelle maire socialiste de Lille, fille du défunt président de la Commission européenne Jacques Delors. Martine Aubry, 73 ans, a une estampille de gauche indéniable: elle a porté la loi sur la réduction du temps de travail hebdomadaire à 35 heures mise en œuvre durant l’année 2000, comme ministre dans le gouvernement de Lionel Jospin. Elle est socialiste, mais elle a pris ses distances avec ce parti dont elle fut premier secrétaire (2008-2011), élue de justesse face à Ségolène Royal. L’actuel patron du PS Olivier Faure, lui-même candidat au poste de chef du gouvernement, a confirmé que son nom a été évoqué.
En résumé: Une revenante, une caution historique
Carole Delga, l’élue régionale
La survie du parti socialiste, c’est un peu elle. La présidente de la région Occitanie a fait partie de ces cadres socialistes qui n’ont jamais cédé aux sirènes de La France Insoumise. Elle a l’avantage de son âge, 52 ans, et de son enracinement local, loin de Paris. Elle n’est pas appréciée de Jean-Luc Mélenchon, mais elle ne ferait a priori pas trop d’ombre aux barons parisiens de la gauche. Avantage: incarner une France à l’opposé de celle d’Emmanuel Macron. Une France qui, chaque jour, vit au contact du Rassemblement national. La ville de Perpignan, seule métropole de plus de 100'000 habitants gérée par le RN, est dans sa région.
En résumé: Une provinciale, une militante