Projet de loi très contesté
Le Conseil constitutionnel valide la réforme des retraites

Un tournant du quinquennat après trois mois de crise? Le Conseil constitutionnel a validé l'essentiel de la réforme des retraites vendredi, dont le report de l'âge légal à 64 ans. Il a censuré néanmoins six dispositions secondaires du texte.
Publié: 14.04.2023 à 18:16 heures
|
Dernière mise à jour: 14.04.2023 à 18:35 heures
Le siège du Conseil constitutionnel français, rue de Montpensier à Paris, était assiégé par les journalistes, vendredi après-midi.
Photo: DUKAS

La décision du Conseil constitutionnel français est tombée vendredi: ses juges valident l'essentiel de la très contestée réforme des retraites, selon un communiqué diffusé à 18h. La mesure emblématique de cette réforme controversée, le report progressif de l'âge légal de départ en retraite à 64 ans, aura donc force de loi dès que le président de la République, Emmanuel Macron, aura promulgué le texte.

L'institution de la rue de Montpensier a en revanche sans grande surprise censuré plusieurs «cavaliers sociaux» qui «n'avaient pas leur place dans la loi déférée», qui est de nature financière. Parmi ceux-ci: l'index sur l'emploi des seniors, qui devait être obligatoire dès cette année pour les entreprises de plus de 1000 salariés, et dont la non-publication devait être passible de sanctions financières.

Également censuré, le CDI seniors, un ajout des sénateurs de droite, qui devait faciliter l'embauche des demandeurs d'emploi de longue durée de plus de 60 ans.

Gauche pas suivie, pas de référendum

L'institution présidée par l'ex-Premier ministre socialiste Laurent Fabius n'a pas suivi les parlementaires de gauche ou du Rassemblement national, qui avaient plaidé un détournement de procédure parlementaire pour faire adopter la loi. Un choix qui«ne méconnaît, en lui-même, aucune exigence constitutionnelle», selon le Conseil, qui évoque cependant le «caractère inhabituel» de l'accumulation de procédures visant à restreindre les débats.

Le Conseil a par ailleurs rejeté le projet de référendum d'initiative partagée portée par la gauche (RIP), qui espérait un feu vert pour entamer la collecte de 4,8 millions de signatures en vue d'une hypothétique et inédite consultation des Français pour contrecarrer le projet du gouvernement.

Les parlementaires de gauche ont déposé jeudi un deuxième texte, sur lequel le Conseil constitutionnel statuera le 3 mai.

La parole du Conseil était particulièrement attendue par Emmanuel Macron et son gouvernement, qui espèrent pouvoir surmonter la contestation enracinée depuis janvier, et reprendre la marche d'un quinquennat sérieusement entravé dès sa première année.

Des décisions, non susceptibles de recours et auxquelles le mouvement social et la classe politique étaient suspendus depuis plusieurs semaines, risquent cependant de ne pas éteindre les mobilisations.

Ni Mélenchon, ni Le Pen, ni les syndicats ne baissent les bras

«La lutte continue», a déclaré le leader de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon après la validation par le Conseil constitutionnel. «Le sort politique de la réforme des retraites n'est pas scellé», a affirmé Marine Le Pen, présidente du groupe RN à l'Assemblée.

À Paris, un rassemblement a débuté sur le parvis de l'Hôtel de Ville à l'appel de plusieurs syndicats dont la CGT et FO. Plusieurs centaines de jeunes manifestaient par ailleurs dans la capitale et devraient s'y joindre en fin de journée.

La police redoute des débordements. Des blocages se sont poursuivis vendredi: perturbation de la circulation autour de Rouen, blocage d'une plateforme alimentaire dans la banlieue de Strasbourg, opération «péage gratuit» par 150 à 200 manifestants en Gironde...

«Quelle que soit la décision du Conseil constitutionnel, on ne lâchera pas jusqu'au retrait» du texte, a déclaré à l'AFP Pauline Moszkowski, représentante syndicale Sud Asso au Planning familial de la Gironde, présente sur place.

Retranché derrière des barrières anti-émeutes, le Conseil constitutionnel lui-même était sous bonne garde. Toute manifestation aux abords de son siège, dans une aile du Palais Royal, avait été interdite depuis jeudi 18h.

Invitation aux syndicats

Emmanuel Macron n'a pas attendu la décision du Conseil pour tenter d'enclencher la suite et faire savoir qu'il avait convié les syndicats à l'Elysée pour un dialogue «sans préalable». Mais jeudi, lors de la 12e journée de mobilisation, les destinataires ne semblaient guère disposés à déférer à l'agenda présidentiel et plutôt tournés vers leur rendez-vous traditionnel du 1er mai.

«Il y a une décence à avoir, les gens ne vont pas passer à autre chose comme ça», jugeait le patron de la CFDT, Laurent Berger. «On va d'abord lui laisser les 15 jours de réflexion», a abondé son homologue de FO, Frédéric Souillot, qui appelait M. Macron à ordonner une nouvelle délibération au Parlement et à «ne pas appliquer la loi»".

Mais le chef de l'État devrait promulguer la loi dans les prochains jours, a assuré l'Elysée. Emmanuel Macron réunira lundi les cadres de sa majorité. Et devrait rapidement s'adresser aux Français. Il «a envie d'en découdre, il est remonté comme un coucou», observe un conseiller ministériel.

Consultations d'Élisabeth Borne

La Première ministre, Élisabeth Borne, de son côté, prendra la parole samedi après-midi à Paris lors du Conseil national du parti présidentiel Renaissance.

Fragilisée depuis l'emploi du 49.3 sur cette réforme, passée à neuf voix d'être renversée à l'Assemblée, la Première ministre poursuit depuis ses consultations dans le but assigné par le président d'«élargir la majorité», mais qui n'ont guère semblé produire de résultats.

«Le pays ne tournera pas la page», assurait jeudi la cheffe des députés Insoumis, Mathilde Panot, alors que la 12e journée de mobilisation avait livré le deuxième plus faible score de mobllisation depuis le début du mouvement (380'000 manifestants selon l'Intérieur, 1,5 million selon la CGT).

(ATS)

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la