Les autorités françaises avaient mobilisé 3200 gendarmes et policiers pour encadrer cette manifestation interdite contre un projet de «bassines», des réserves d'eau destinées à l'agriculture, redoutant des violences dans un contexte inflammable du fait des tensions liées à la réforme des retraites. Un long cortège a commencé à défiler en fin de matinée, composé d'au moins 6000 personnes selon la préfecture locale, «probablement un peu plus», et d'environ 25'000 selon les organisateurs – le collectif d'associations «Bassines non merci», le mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre et le syndicat agricole proche de la gauche Confédération paysanne.
«Parmi les manifestants pris en charge par les secours, à ce stade, il y a deux blessés graves, dont un victime d'un traumatisme crânien qui a été classé en urgence absolue par le médecin de la gendarmerie», ont indiqué les autorités peu après 16h00. Seize gendarmes ont également été blessés, dont six évacués vers les hôpitaux de la région et un grièvement touché qui va être héliporté, selon la même source.
Scène de guerre
«Au moins un millier» d'activistes violents, en partie venus de l'étranger, «prêts à en découdre avec les forces de l'ordre», participent au rassemblement, selon les autorités. «Le but, c'est d'approcher et d'encercler la bassine pour faire stopper le chantier», a affirmé un membre des Soulèvements de la Terre au départ du cortège qui s'est ensuite scindé en plusieurs groupes à cette fin. A l'approche du chantier, aux allures de bastion médiéval avec son talus entouré par les forces de l'ordre, de violents affrontements ont éclaté rapidement avec des militants radicaux qui ont fait usage de feux d'artifices et de cocktails Molotov, parmi d'autres projectiles, selon la gendarmerie, qui a riposté avec des gaz lacrymogènes et un canon à eau notamment.
Pendant environ une heure, les abords de la bassine se sont transformés en scène de guerre, avec de très nombreuses détonations, observée de loin par la plupart des manifestants restés pacifiques. Plusieurs véhicules de gendarmerie ont été incendiés. Les assaillants ont ensuite reflué et un calme relatif était revenu dans l'après-midi, la foule ayant reculé. Aucun bilan précis n'a été fourni dans un premier temps. Plusieurs gendarmes ont été blessés, selon une source proche du dossier. Des blessés sont «en cours d'évacuation ou de localisation», selon la préfecture. Un photographe de presse a été touché à la tête et les organisateurs ont fait état d'un blessé «en urgence vitale».
Large mobilisation contre les retraites
«A Sainte-Soline, l'ultra gauche et l'extrême gauche sont d'une extrême violence contre nos gendarmes. Inqualifiable, insupportable», a réagi dans un tweet le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Des objets dangereux et des armes avaient été saisies en amont du rassemblement – boules de pétanque, frondes, lance-pierres, produits incendiaires, couteaux et haches – et 11 personnes interpellées.
La France vit depuis plusieurs semaines au rythme d'une large mobilisation contre la réforme des retraites dont l'adoption sans vote à l'Assemblée nationale a entraîné une succession de manifestations «sauvages» dans de nombreuses villes de France, et qui sont émaillées de violence. «Je n'ai aucun problème avec cette violence, même si je n'y prends pas part. Il y a de la violence partout en ce moment, à commencer par cette réforme des retraites (...) Je comprends que des gens aient la rage», a déclaré à l'AFP l'un des manifestants à Sainte-Soline, un trentenaire venu du nord de la France. «Alors que le pays se soulève pour défendre les retraites, nous allons simultanément faire front pour défendre l'eau», avaient lancé les organisateurs vendredi.
Seize retenues, d'une capacité totale d'environ 6 millions de mètres cubes, doivent être construites, principalement dans les Deux-Sèvres, dans le cadre d'un projet porté par une coopérative de 450 agriculteurs avec le soutien de l'État. Il vise à stocker en plein air de l'eau puisée dans les nappes superficielles en hiver, afin d'irriguer les cultures en été quand les précipitations se raréfient. Ses partisans en font une condition de la survie des exploitations agricoles face à la menace de sécheresses récurrentes. Les opposants dénoncent, eux, un «accaparement» de l'eau par «l'agro-industrie» à l'heure du changement climatique.
(AFP)