Gouverner, mais comment
Les 5 galères du nouveau Premier ministre français

Michel Barnier est désormais Premier ministre. La passation de pouvoirs avec Gabriel Attal a eu lieu jeudi 5 septembre en soirée. Et maintenant? Sa priorité sera d'éviter les écueils. Et les mines politiques posées par ses adversaires.
Publié: 05.09.2024 à 20:17 heures
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Dernière mise à jour: 05.09.2024 à 21:04 heures
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C'est désormais à l'Hôtel Matignon que Michel Barnier va s'installer comme Premier ministre.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

L’enfer de Matignon va pouvoir commencer pour Michel Barnier. En France où le Premier ministre dirige le gouvernement et la majorité sous l’ombre du président de la République, cet hôtel particulier du 7e arrondissement de Paris est considéré comme un terrain miné. Être Premier ministre, c’est piloter le pays et son administration alors que le chef de l’Etat, élu au suffrage universel, conserve le beau rôle. Du moins en théorie. Car cette fois, en cette fin de présidence pour Emmanuel Macron, beaucoup de choses sont différentes.

Les différences?

1. Une Assemblée nationale sans majorité présidentielle, puisque le camp macroniste, au sens large, regroupe seulement 168 députés sur 577, bien loin des 289 nécessaires pour obtenir la majorité absolue.

2. Un président affaibli à la fois par sa décision, le 9 juin, de dissoudre l’Assemblée, et par le résultat des élections qui ont conforté les extrêmes, de droite comme de gauche.

3. Un calendrier institutionnel inédit, puisque pour la première fois sous la Ve République, Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter à la présidentielle de mai 2027, en raison de la limitation constitutionnelle à deux quinquennats consécutifs.

Ce sont néanmoins surtout les galères prévisibles pour le nouveau Premier ministre français, âgé de 73 ans (il est le plus vieux à ce poste) qui frappent les observateurs. En voici cinq, face auxquelles ce politicien vétéran de droite, originaire de Savoie et familier de la Suisse, est plus ou moins bien équipé.

Galère de casting: trouver des ministres

Michel Barnier a une réputation. Il a été plusieurs fois ministre, plusieurs fois commissaire européen, puis négociateur de l’UE pour le Brexit avec les Britanniques. Animé par un esprit d’équipe, ce politicien qui aime jouer collectif dispose d’un bon réseau, et de solides amitiés au sein du personnel politique français, et parmi les hauts fonctionnaires.

Il peut donc recruter dans ses cercles. Mais être ministre aujourd’hui en France, c’est prendre un aller simple pour un siège éjectable. Le risque d’une motion de censure est réel. Le risque d’immobilisme aussi. Le premier test du nouveau chef du gouvernement sera son casting. Il y a sans doute travaillé ces jours-ci, alors que les médias se focalisaient sur d’autres candidats.

Galère parlementaire: le terrain est miné

Le menu quotidien du nouveau Premier ministre français risque de se résumer à de très longues heures passées sur les bancs de l’Assemblée nationale et du Sénat, pour convaincre députés et sénateurs d’approuver les projets de lois, à commencer par le budget 2025 dont l’examen commencera au début octobre.

Connaitre chaque élu. Miser sur les réseaux personnels pour court-circuiter les partis. Amadouer ses opposants les plus prévisibles, comme le Rassemblement national (droite nationale populiste) ou La France Insoumise (Gauche radicale). Michel Barnier va pouvoir réviser ses fiches parlementaires, utilisées autrefois à Paris puis plus récemment dans l’hémicycle du Parlement européen, à Strasbourg, ainsi qu'à Bruxelles.

Galère politique: face à l’étau RN – LFI

Le calcul est simple: si le Rassemblement national et la France insoumise votent ensemble une motion de censure, ils réunissent automatiquement environ 220 députés. Il leur faudra encore en trouver 70 autres pour faire tomber le gouvernement, mais cela est possible. Ces deux formations plaident notamment, l'une comme l'autre, pour l'abrogation de la réforme du système de retraite entrée en vigueur en septembre 2023. Toute l’action de Michel Barnier va donc consister à éviter d’être broyé par cet étau, entre Marine Le Pen (RN) et Jean-Luc Mélenchon (LFI).

A priori, dissuader les Mélenchonistes de partir à l’assaut sera difficile. Une centaine de marches de protestations sont d’ailleurs organisées à travers la France avec le soutien de la gauche ce samedi 7 septembre. Les braises du volcan social rougeoient. Barnier va-t-il donc chercher à paiser en priorité l'extrême-droite ? Par exemple en ressuscitant l’idée qu’il avait défendue lorsqu’il était candidat à la présidentielle de 2022: un moratoire sur l’immigration ?

Galère économique: les caisses sont vides

Michel Barnier connaît bien les coulisses des marchés financiers. Il occupait, en pleine crise de la dette, le poste crucial de commissaire au marché intérieur et aux services (2010-2014). Il supervisait les efforts pour instaurer une union bancaire européenne, qui n’a toujours pas été réalisée. Le savoyard sait donc compter.

Or les caisses de la France sont vides comme vient de le redire la commission des finances du Sénat. Le déficit public 2024 pourrait atteindre 5,6% du PIB en 2024 au lieu de 5,1%. Les dépenses publiques ont progressé de plus de 100 milliards d’euros entre 2018 et 2023, alors que les recettes de l’État augmentaient de 10,8 milliards. On continue? Barnier a une urgence: la France est un panier percé.

Galère personnelle: Macron est insupportable

Les deux hommes se connaissent bien. Et jusque-là, Michel Barnier avait toujours dit non. Le style Macron, ce «en même temps» assorti de zig zag politique et de numéros de charme, est à l’opposé de son tempérament de gaulliste peu charismatique, voire ennuyeux, mais fidèle à son camp.

Le président français vient en fait de recruter son contraire. Barnier déteste le «jeunisme». Il n’a jamais été à l’aise au milieu de l’élite parisienne qui a longtemps vu en lui un provincial manipulable et utile. Ce couple-là a en revanche un socle commun: l’Europe et la détestation des populismes. Un premier test portera, outre le casting gouvernemental, sur la fameuse réforme des retraites, que le Chef de l'État veut sauver coûte que coûte.

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