Le «Joe Biden» français. Le seul capable de négocier avec les parlementaires, «car il a affronté bien pire: à savoir les Britanniques» comme négociateur européen du Brexit. Le dernier héritier d’un gaullisme social, droit dans ses bottes, qui n’hésite néanmoins pas à dire que l’immigration est un problème majeur, et qu’il faut un «moratoire». C’est cet homme-là, dont Blick a dressé le portrait mercredi 4 septembre, qu’Emmanuel Macron vient de nommer Premier ministre ce jeudi. La passation de pouvoir avec Gabriel Attal, selon les médias français, pourrait avoir lieu dès 16 heures. Le sauveur potentiel de la présidence Macron se nommerait donc Michel Barnier.
L’affaire peut sembler étonnante. A aucun moment, ces jours-ci, le nom de l’ancien ministre français et Commissaire européen n’a été évoqué comme une piste prioritaire pour le président de la République. Lequel recherche désespérément, depuis le second tour des législatives anticipées du 7 juillet, un locataire pour l’Hôtel Matignon, la résidence du chef du gouvernement.
Et pourtant: ce choix de Michel Barnier, 73 ans, est peut-être le plus logique, au vu de la situation politique. L’intéressé est expérimenté, rompu aux négociations infernales (il a traité avec le populiste Boris Johnson), patient, dur en affaires, et fin connaisseur de la France réelle: celle de la province. Il n’est pas Parisien, mais Savoyard. Il peut même s’enorgueillir, alors que la France sort ébahie des JO et des Jeux paralympiques, de son passé olympique, puisqu’il a coprésidé avec le skieur Jean-Claude Killy les JO d’hiver d’Albertville, en 1992.
Pourquoi Michel Barnier coche-t-il beaucoup de cases? Essentiellement parce qu’il apportera à Matignon un tempérament presque suisse, capable d’apaiser le volcan français dont Emmanuel Macron a relancé l’activité avec sa dissolution hasardeuse de l’Assemblée nationale le 9 juin.
Tenace mais calme
Qualité 1: Barnier le Savoyard est tenace mais calme, comme l’a montré son flegme à toute épreuve lors des quatre années de négociation du Brexit entre Londres et Bruxelles, de juin 2016 à 2020.
Qualité 2: Barnier, l’homme de droite, toujours resté fidèle au courant politique gaulliste, n’a jamais été un chantre du libéralisme et des marchés financiers, qu’il a appris à affronter lorsqu’il était, de 2010 à 2014, Commissaire européen au marché intérieur et aux services financiers. En pleine crise de la dette souveraine! Ce qui faisait de ce pro-européen un défenseur forcené de l’euro, mais aussi des acquis sociaux européens. Barnier est donc compatible, sur ce plan, avec la gauche sociale-démocrate.
Qualité 3: Barnier le préretraité n’est pas perçu, à 73 ans, comme un danger immédiat pour les aspirants à la présidence, comme le maire du Havre Edouard Philippe qui a confirmé sa candidature cette semaine pour 2027. Même Nicolas Sarkozy le soutient. Il est une sorte d’insubmersible à droite. Il sait, en plus, que ses chances présidentielles sont minces puisqu’il n’a pas obtenu d’être candidat de la droite en 2022.
Tout cela faisait-il de lui le candidat idéal? La question est mal posée car, dans le chaos politique français actuel, il s’agissait plutôt de trouver le plus petit dénominateur commun. Celui qui, une fois son gouvernement constitué, devra se présenter devant l’Assemblée nationale où les deux blocs de la droite nationale populiste et de la gauche radicale vont chercher à le déstabiliser, voire à le renverser. Avec une difficulté immédiate: convaincre de sa légitimité alors que l’union de la gauche a remporté de justesse les législatives, et qu’elle continue de prétendre à prendre la tête du gouvernement. Sa candidate, Lucie Castets, l’a encore répété ce jeudi 5 septembre.
Pas d’embuscade immédiate?
Reste la formule magique, très suisse là aussi: une coalition de concordance. Michel Barnier peut-il sortir de son chapeau de nouveau Premier ministre un gouvernement avec l’ex-Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve (souvent cité) voire le président de la région Nord Xavier Bertrand (souvent cité) ou l’ancien ministre Jean-Louis Borloo (souvent cité) et Thierry Beaudet, le président du Conseil économique sociale et environnemental (souvent cité)?
Fine connaissance du Parlement (national et européen), souverainisme économique, moratoire contre l’immigration, défense de l’orthodoxie budgétaire, goût de la décentralisation et, peut-être, appétit pour le référendum: Michel Barnier a au moins un programme potentiel. Ce qui pourrait décourager le Rassemblement national de monter contre lui une embuscade immédiate…