La France ne sera pas «apaisée» pour le 14 juillet. La preuve? Pour éviter tout nouveau débordement dans les quartiers difficiles, la Première ministre française vient de décider d’interdire la vente, le transport et la détention de mortiers de feux d’artifice. Pas question, pour Élisabeth Borne, de prendre le risque d’une nouvelle explosion, à coups de fusées et de pétards tirés dans les lieux publics, contre les mairies ou les commissariats.
Le 26 avril, la locataire de l’Hôtel Matignon avait annoncé une feuille de route en «100 jours» pour apaiser le pays, comme le souhaitait Emmanuel Macron. Trois mois plus tard, c’est plutôt la peur qui règne au sommet de l’État.
La peur, omniprésente
La peur? Le mot n’est pas trop fort. Et ce n’est pas l’entretien fleuve en forme de plaidoyer pro domo accordé par Élisabeth Borne au quotidien «Le Parisien» qui va désamorcer l’inquiétude ambiante. «Sur le cap des 100 jours pour relancer le pays, je constate que la plupart des chantiers sont au vert» affirme cette dernière, menacée de perdre son poste lors d’un remaniement du gouvernement jugé imminent.
Ah bon? Quid de l’ambiance politique toujours délétère à l’Assemblée nationale, plus fracturée que jamais? Quid de la surenchère sur l’immigration, sur laquelle le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin souffle le chaud et le froid? Quid de la dette publique qui a franchi, en juin, la barre symbolique des 3000 milliards d’euros, soit 113% du produit intérieur brut (PIB)?
La cheffe du gouvernement a beau lister ses chantiers – réforme de l’assurance chômage et des retraites, loi de programmation militaire, feuilles de route sur l’éducation et la santé –, le sentiment dominant reste celui d’un pays bloqué et impuissant face à l’ampleur des problèmes révélés, entre autres, par les violences urbaines.
Retrouvez Richard Werly sur TV5 Monde
Et maintenant, à quoi s’attendre une fois qu’Emmanuel Macron aura présidé le traditionnel défilé militaire du 14 juillet à Paris, sur les Champs Élysées, aux côtés du Premier ministre Indien Narendra Modi, son invité d’honneur? Voici trois scénarios, dont aucun n’est susceptible d’accoucher d’un quelconque «apaisement» à court terme.
Scénario 1: Nouveau gouvernement, nouveau pari
Emmanuel Macron va-t-il jouer au «chamboule tout» ? Il a un créneau pour le faire, puisque le président de la République s’exprime traditionnellement le 14 juillet, lors de la commémoration de la prise de la Bastille et donc, de la révolution de 1789. Pari risqué, car le chef de l’État n’a toujours pas de majorité parlementaire. Mais pari possible, car il a plus que jamais besoin d’un gouvernement de combat, à la fois pour «tenir» le pays chahuté et pour préparer les élections européennes du 9 juin 2024.
Difficile en revanche de voir qui pourrait remplacer Élisabeth Borne. On cite Julien Denormandie, ancien ministre de l’Agriculture. On pense à une personnalité de droite, capable de sécuriser une majorité de députés.
Probabilité: 5/10
Scénario 2: Remaniement ministériel et attentisme
C’est l’option la plus contraire au tempérament d’Emmanuel Macron: l’attentisme. Le président choisirait ainsi de jouer en défense, sans annonces particulières, d'ici au dernier conseil des ministres avant les congés, le 26 juillet.
On panse les plaies du pays. On concentre tous les efforts sur les deux grands événements internationaux attendus: la coupe du monde de rugby à l'automne, et à partir du 26 juillet 2024, les Jeux Olympiques d’été à Paris. On ne cherche plus à «apaiser», mais à «faire». On reconstruit. On dépense. On se sépare de ministres discrédités, comme Marlène Schiappa, poseuse dans «Playboy» et accusée d’avoir dilapidé un fonds destiné à lutter contre l’islam radical. Macron, pendant ce temps, mène lui-même la campagne pour les Européennes.
Probabilité: 7/10
Scénario 3: Torpeur estivale, choc en septembre
Il fait très chaud en France ces jours-ci. Au propre comme au figuré. Pourquoi donc risquer d'enflammer de nouveau le pays? Il vaut mieux d’abord ramener le calme, miser sur les vacances, puis se préparer à un coup d’éclat à la rentrée. Cela n’empêchera pas, d’ici là, quelques départs ministériels.
Mais le vrai décompte des 100 jours aura lieu en septembre. Avantage pour Emmanuel Macron: se donner les moyens de réfléchir en août. Consulter. Laisser reposer les tensions. Et aussi maintenir le suspens sur ses intentions. Dans ce cas de figure, l’été ne sera pas tranquille pour Élisabeth Borne, cheffe du gouvernement en sursis.
Probabilité: 8/10