Des chars français pour l'Ukraine
Pour Emmanuel Macron, la négociation n'est plus possible avec la Russie

La décision du président français de livrer à l'Ukraine des chars de combat légers montre qu'il ne croit plus, aujourd'hui, à une possible négociation avec Moscou et le président russe, Vladimir Poutine. Un changement de taille.
Publié: 05.01.2023 à 16:16 heures
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Dernière mise à jour: 05.01.2023 à 16:17 heures
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Emmanuel Macron l'a affirmé lors de ses vœux présidentiels le 31 décembre: «Je veux ici et ce soir en votre nom dire à nos amis ukrainiens: nous vous respectons et nous vous admirons. Votre combat pour la défense de votre nation est héroïque et il nous inspire Et durant l’année qui s’ouvre, nous serons sans faillir à vos côtés.»
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Oublié le téléphone. Place aux chars légers AMX-10 RC, que l’armée française va livrer rapidement à l’Ukraine. Emmanuel Macron a choisi: l’année 2023 ne démarrera pas par de nouvelles tentatives diplomatiques pour convaincre Vladimir Poutine de négocier. Le 16 décembre, à l’issue du sommet européen à Bruxelles, le président français avait pourtant annoncé qu’il «comptait appeler son homologue russe Vladimir Poutine à propos des bombardements et des attaques de drones russes en Ukraine et lorsqu’il faudra finaliser un accord sur la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporijia». Mais depuis, le téléphone de l’Élysée est resté muet. Dans les deux sens. Comme si la ligne directe entre Paris et Moscou était désormais coupée.

Un changement de cap

La raison de ce changement de cap est double. D’un côté, Emmanuel Macron a tout à perdre en 2023, sur le plan politique, à raccrocher à chaque fois son téléphone sans avoir obtenu la moindre concession de Vladimir Poutine. Même le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, l’avait vertement rappelé à l’ordre en octobre, en affirmant que la «diplomatie du téléphone» avait nui à l’Ukraine.

De l’autre côté, le cap européen est plus que jamais mis sur Kiev. Le sommet UE-Ukraine se tiendra sur place le 3 février, sous la présidence tournante de la Suède, cet ex-pays neutre qui a rallié l’Alliance atlantique en 2022 au côté de la Finlande.

Le premier anniversaire du conflit, le 24 février, n’est en outre guère propice à la diplomatie, puisque les deux camps font tout pour apparaître à cette date en position de force. C’est d’ailleurs en partie pour préparer la fin de l’hiver, avec le dégel synonyme de boue et d’enlisement, que le choix de livrer des chars légers sur roues, plus mobiles, a été fait par Paris.

Emmanuel Macron, chef de guerre? Le fait est qu’au sein de l’Union européenne, la place de leader continental au côté de l’Ukraine est à prendre. L’ex-Premier ministre britannique Boris Johnson, le plus combatif de tous aux côtés des Américains, n’est plus à Downing Street, et malgré sa visite à Kiev le 19 novembre, son successeur, Rishi Sunak, n’a pas la même carrure médiatico-militaire. Le chancelier allemand Olaf Scholz, déjà très critiqué pour les liens énergétiques passés de son pays avec la Russie, a refusé jusque-là de livrer des équipements militaires plus performants à l’armée ukrainienne, refusant en particulier de fournir d’autres chars de combat que les 50 Flakpanzer Gepard – blindé anti-aérien des années 1970 produits par l’Allemand Siemens et l’industriel suisse Oerlikon – proposés au printemps 2022.

On comprend mieux, donc, les phrases du président français lors de ses vœux présidentiels du 31 décembre: «Je veux dire à nos amis ukrainiens: nous vous respectons et nous vous admirons. Votre combat pour la défense de votre nation est héroïque et il nous inspire. Et durant l’année qui s’ouvre, nous serons sans faillir à vos côtés. Nous vous aiderons jusqu’à la victoire.»

Retrouvez Richard Werly sur France 24 à propos de l’Ukraine:

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Pour l’État-major français, ces nouvelles livraisons posent la question des stocks disponibles. Pas moins de 18 canons Caesar automoteurs de 155 mm ont déjà été livrés à l’armée ukrainienne, en plus d’une quinzaine de canons tractés. Des missiles antichars Milan ont aussi été acheminés vers le front, ainsi que des véhicules de transport blindés, des missiles antiaériens Mistral et des équipements individuels (casques, gilets pare-balles, jumelles de vision nocturne, rations de combat, tenues de protection en environnement à risque nucléaire, bactériologique et chimique, matériel médical), sans compter des munitions.

Mais les théâtres d’opérations sont mouvants et le retrait du Sahel a permis, justement, de rapatrier des chars légers AMX 10 RC. «Pour le commandement militaire français, les livraisons à l’Ukraine sont aussi un moyen de renouveler leurs équipements en accélérant les nouvelles commandes aux industriels», juge un expert. L’entreprise Nexter, qui produit les canons Caesar, affiche un carnet de commandes complet, d’autant que la Lituanie et le Danemark en ont aussi acheté.

L’influence de Joe Biden

Dernier élément d’explication pour cette offensive militaire d’Emmanuel Macron en faveur de l’Ukraine, selon son entourage: ses conversations avec Joe Biden lors de sa visite aux États-Unis du 30 novembre au 2 décembre. Le locataire de la Maison Blanche a insisté pour que les Européens assument davantage leur part dans l’assistance militaire à Kiev, en faisant même une condition pour avancer sur d’autres dossiers transatlantiques, comme celui du gaz liquéfié (vendu par les États-Unis au prix fort) et celui du protectionnisme industriel (à travers l’Inflation Reduction Act voté à Washington en août 2022).

Retrouvez l’échange téléphonique entre Macron et Poutine:

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Et le téléphone avec Poutine? Pas sûr que quelqu'un décroche à Moscou après l'épisode de l'envoi d'un éclat d'obus de canon Caesar à l'Ambassade de France par un proche du président russe, Dmitri Rogozine. «Il reste disponible et doit servir en cas d’urgence, loin des caméras et des postures officielles», ironise un diplomate français. Une référence à l’épisode téléphonique de juin 2022. Emmanuel Macron avait alors permis à une équipe de télévision de filmer son échange surréaliste avec le président russe, qui avait conclu: «Pour ne rien te cacher, je voulais aller jouer au hockey.» Le Kremlin avait ensuite déploré que cette conversation ait filtré, évoquant une «violation de l’étiquette diplomatique».

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