Tesla devient «mince, innovante et affamée pour la prochaine phase de croissance». C'est ainsi qu'Elon Musk, le richissime CEO du constructeur américain de voitures électriques, a justifié dans un mémo la dernière coupe budgétaire. Dans le monde entier, un employé de Tesla sur dix va perdre son emploi, comme l'a annoncé lundi le «Handelsblatt». 14'000 postes vont ainsi être supprimés.
Normalement, le marché boursier américain accueille positivement de telles annonces. Lorsqu'un groupe fait part de son intention de supprimer des emplois à grande échelle, le cours de l'action augmente. Seulement, chez Tesla, cette règle d'or boursière n'a pas fonctionné. L'action a chuté de 5,6% lundi.
Après la bourse, elle a encore perdu 0,8%. Parallèlement, deux cadres ont quitté le navire lundi. Drew Baglino, responsable des batteries, et Rohan Patel, responsable du développement commercial, quittent Tesla. Que se passe-t-il donc chez le pionnier de la voiture électrique?
Les investisseurs exigent des réponses claires
Le problème s'appelle Elon Musk. Chez aucun autre constructeur automobile, le destin de l'entreprise n'est aussi étroitement lié au CEO que chez le groupe américain. Musk est Mister Tesla. Maiso son image souffre. Et les investisseurs de Tesla ne semblent plus acheter le stratagème habituel du sulfureux CEO. Une stratégie autrefois souvent couronnée de succès: Musk rassurait les marchés avec des visions audacieuses lorsque le moteur Tesla s'enrayait. «Les appâts Tesla d'Elon Musk prennent un coup de vieux», a commenté lundi l'agence de presse Bloomberg. Concrètement, cela signifie que le CEO a désormais besoin de meilleures réponses.
En premier lieu, c'est le cours de l'action qui pose problème aux investisseurs. Depuis le début de l'année, l'action Tesla a perdu 35%. Avec une capitalisation boursière de plus de 500 milliards de dollars, l'entreprise reste le constructeur automobile le plus précieux au monde. Mais les Japonais de Toyota, avec une valeur boursière de près de 400 milliards de dollars, sont un peu à sa portée, et ce, pour la première fois depuis de nombreuses années. Or, Tesla est le constructeur automobile le mieux valorisé au monde, avec un bénéfice plus de 50 fois supérieur. Les attentes sont donc très élevées.
Ventes en baisse et guerre des prix ruineuse
L'une des principales difficultés de Musk est qu'il a parié sur une fort développement du marché des voitures électriques en Europe et aux Etats-Unis. Mais ce pari n'a pas fonctionné. Les deux marchés sont actuellement en recul. Tesla se retrouve donc dans une situation difficile, explique Ferdinand Dudenhöffer, fondateur du Center Automotive Research à Bochum, qui a accepté de se confier à Blick. «Le modèle commercial de Tesla, programmé pour la croissance, est soudainement confronté à des ventes en baisse et à une guerre des prix parfois ruineuse», explique cet expert renommé du secteur. Tesla a récemment réduit ses prix jusqu'à 7000 dollars.
Les problèmes transparaissent concrètement dans les chiffres: au cours des trois premiers mois de 2024, Tesla a vendu environ 386'000 véhicules – une baisse de 8,5% par rapport au même trimestre de l'année précédente. Parallèlement, l'entreprise de Musk se bat contre des problèmes de sureffectifs. En 2023, Tesla a vendu environ 1,8 million de voitures électriques, mais aurait pu, selon les données de l'entreprise, produire facilement 2,5 millions de véhicules. Et pour cette année, Ferdinand Dudenhöffer s'attend à une légère baisse de la croissance. Autrement dit: «Le problème de sureffectif augmente. Ce n'est pas un bon tableau pour la rentabilité.»
De plus, la concurrence chinoise à bas prix harcèle de plus en plus Tesla. C'est surtout la marque BYD qui dispute aux Américains le rôle de premier constructeur de voitures électriques. Au dernier trimestre 2023, l'entreprise chinoise a livré pour la première fois plus de voitures électriques que Tesla. Comme grande lueur d'espoir, Musk se réfugie donc dans un projet prévu depuis des années: le robotaxi. Le patron de Tesla compte présenter cette technologie d'avenir en août. Seulement voilà: les experts n'y croient pas. «C'est un écran de fumée», résume Ferdinand Dudenhöffer.