Peu avant minuit, les talibans prennent le pouvoir en Afghanistan. Dimanche, les islamistes radicaux s'auto-proclament nouveaux dirigeants, et prennent d'assaut les bureaux du gouvernement et les ministères de Kaboul.
Les soldats gouvernementaux n'ont pas réussi à défendre la capitale. Ils sont partis sans combattre - laissant leurs armes, leurs munitions et leurs véhicules aux talibans. Les jours précédents déjà, les talibans n'avaient rencontré aucune résistance au fil de leur progression.
L'Occident, qui a grandement soutenu le gouvernement afghan dans la constitution d'une armée au cours des décennies précédentes, a dû passivement assister à la débâcle suite au retrait des forces internationales. Les unités «se sont effondrées en quelques jours», a déclaré un instructeur allemand à «Der Spiegel».
Corruption et népotisme
Il y a plusieurs raisons à cela. De nombreux soldats avaient peur qu'eux-mêmes et leur famille ne soient capturés et tués par les talibans, explique l'instructeur allemand. Les États-Unis, quant à eux, dénoncent un manque de volonté de se battre. «L'argent ne peut acheter la volonté», a déclaré vendredi un porte-parole du ministère américain de la défense.
En outre, la corruption et le népotisme étaient répandus au sein de l'armée. Les postes élevés étaient presque systématiquement transmis aux amis et aux parents, alors que les postes de rang intermédiaire étaient vendus au plus offrant. Les armes et les munitions n'étaient pas réellement utilisées par l'armée, mais vendues sur le marché noir. Selon le Wall Street Journal, le conseiller en sécurité nationale de l'armée afghane n'avait aucune formation militaire...
Incompétence des dirigeants
L'incompétence des dirigeants a également rendu l'armée chaotique: par exemple, l'on ne sait absolument pas quel est le nombre exact de soldats au sein des forces afghanes. Selon le rapport du «Spiegel», un grand nombre des quelques 300'000 soldats enregistrés pourraient même ne pas exister. Des «soldats fantômes» seraient inscrits sur le papier comme membres de l'armée, et même payés.
De plus, comme les troupes ont été réparties dans le pays sans stratégie ni approvisionnements, les soldats manquaient de ressources - tant en munitions qu'en nourriture. «Nous ne recevions que quelques pommes de terre par jour», raconte un chef de troupe au «Spiegel». Le moral des troupes était de plus en plus bas - ce qui a notablement prémâché le travail des rebelles islamistes.
Les talibans préparent leur retour depuis des années
Mais le retrait précipité des puissances occidentales n'y est de loin pas pour rien dans la débâcle: soudainement, les troupes afghanes ont dû faire face à une pénurie de techniciens pour réparer les hélicoptères de combat, par exemple. L'armée de l'air afghane n'était donc plus opérationnelle. Dimanche matin, les soldats américains encore présents ont bombardé un aéroport militaire dans la grande ville de Mazar-i-Sharif, selon les rapports. Ils voulaient ainsi éviter que les hélicoptères de combat et les avions de chasse ne tombent entre les mains des talibans.
De plus, les talibans préparent leur grand retour depuis des années - infiltrant villages et villes, et même l'armée, pour s'emparer d'armes, par exemple. Peu à peu, leur influence s'étend dans les provinces. Puis, les forces nécessaires pour conquérir le pays et faire tomber Kaboul en quelques jours seulement sont réunies. Nous ne savons pas encore quelles en seront les conséquences pour la population afghane.