Changement climatique
Les glaciers de Tsanfleuron et du Scex Rouge sont désormais séparés

Les glaciers de Tsanfleuron et du Scex Rouge, sur le massif des Diablerets, sont désormais séparés. L'étroite portion de glace qui les reliait encore sur le col de Tsanfleuron (2816 m), entre les cantons de Vaud et du Valais, a complètement fondu.
Publié: 13.09.2022 à 20:54 heures
Les glaciers de Tsanfleuron (à dr.) et du Scex Rouge (à g.), sur le massif des Diablerets, sont désormais séparés par une bande rocheuse large de quelques mètres.
Photo: JEAN-CHRISTOPHE BOTT

Le 11 août dernier, la société d'exploitation de remontées mécaniques Glacier 3000 avait annoncé que le col, recouvert de glace depuis au moins 2000 ans, était en train de refaire surface et que les glaciers allaient se détacher l'un de l'autre. C'est chose faite, a constaté un photographe de Keystone-ATS mardi.

«Je ne peux pas vous dire quand exactement la séparation s'est produite, mais c'était déjà le cas quand je me suis rendu sur place ce week-end pour effectuer des relevés», a déclaré à Keystone-ATS le glaciologue Mauro Fischer. Maître-assistant à l'Institut de géographie de l'Université de Berne, il étudie la zone depuis dix ans sur mandat de Glamos, le réseau suisse des relevés glaciologiques.

L'écart devrait se creuser

Pour l'heure, seule une bande de terre large de quelques mètres est apparue entre les deux glaciers. Mais l'écart va se creuser. «Le terrain sombre constitué de schistes marneux va absorber plus de rayonnement solaire et réchauffer davantage le col, ce qui va accélérer la vitesse de la fonte à la frontière des deux glaciers», explique le scientifique. De plus, comme il s'agit d'un col, le terrain descend des deux côtés, ce qui n'arrange rien.

La jonction entre les deux glaciers ne va pas se reformer. Le col va bien être recouvert de neige cet hiver, mais pour que de la glace se forme, il faut que les flocons survivent durant plusieurs saisons estivales, ce que Mauro Fischer juge improbable. «Ce que l'on voit à l'oeuvre sur ce col, ce sont des processus irréversibles, du moins à l'échelle d'une vie.»

Les deux glaciers condamnés

A terme, les deux glaciers sont même condamnés. «Avec le changement climatique et la hausse des températures, la limite de neige climatique à la fin de chaque été est maintenant quasiment chaque année au-dessus du point le plus haut des deux glaciers. Cela veut dire qu'ils n'ont souvent plus du tout de zone d'accumulation.» Le glaciologue pense que le glacier du Scex Rouge va disparaître d'ici 2035 et celui de Tsanfleuron d'ici 2060.

Mauro Fischer se dit «surpris» et «touché» par la rapidité avec laquelle la glace fond. Les diminutions de masse sont environ trois fois supérieures à la moyenne des dix dernières années. «Cet été nous a montré ce que nous allons vivre plus souvent à l'avenir. De tels épisodes vont devenir plus fréquents et dans 20, 30, 40 ans, nous connaîtrons probablement des étés encore plus extrêmes.»

Changement de paysage

Les conséquences de la perte des deux glaciers ne seront pas significatives sur le débit des cours d'eau qu'ils alimentent, car ce sont surtout les grands glaciers qui jouent un rôle, indique Mauro Fischer. Leur déclin ne risque a priori pas non plus d'engendrer de catastrophes dangereuses de type glissements de terrain, car leur topographie est en plateau. «L'impact se fera surtout au niveau de la modification du paysage.»

Une conséquence très concrète concerne Glacier 3000. A court terme, la fonte va impacter le début de la saison de ski, qui va reculer dans les prochaines années, selon le PDG Bernhard Tschannen. Un autre problème a trait aux pylônes des remontées. «Il faut les maintenir alignés et plus vite la glace fond, plus c’est du travail pour nous», rapporte le responsable.

Glacier 3000 tente de réduire son impact environnemental par tous les moyens. L'entreprise consomme désormais de l'électricité d'origine hydraulique suisse uniquement et réinjecte dans le réseau le surplus d’énergie généré par le freinage des téléphériques. D'autres mesures sont à l'étude, comme la pose de panneaux photovoltaïques et l'amélioration de l'efficacité énergétique des installations.

«On pourrait aussi utiliser l'eau du lac qui est en train de se former au pied du glacier du Scex Rouge pour produire de l'électricité», envisage Bernhard Tschannen. Le directeur ne se veut donc pas alarmant concernant la survie de l'entreprise. «En revanche, je le suis concernant la vitesse folle à laquelle fondent les deux glaciers.»

(ATS)

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