Pour Elodie, 16 ans, les glaciers ont toujours eu quelque chose de mystique et d’inaccessible. Alors, arrivée sur la glace, c'est tout naturellement qu'elle déclare: «Je n’aurais jamais pensé y arriver.»
L’élève de Baden, en Argovie, est l’une des neuf jeunes femmes qui participent à l’expédition de Girls on Ice. Le groupe passe une semaine à 3000 mètres d’altitude, sans électricité ni toilettes, mais avec un ciel étoilé et un lac de montagne.
L’un des objectifs de l’expédition est de booster la confiance en soi des participantes de 15 à 17 ans. «Des études montrent que de nombreuses filles s’intéressent très tôt aux sciences naturelles et aux activités en plein air, mais qu’elles s’en détournent en grandissant», explique Natalie Vögeli. La géologue est coprésidente de l’association Girls on Ice Switzerland. Son objectif est d’inspirer les jeunes femmes, de renforcer leur confiance en leurs propres capacités physiques et d’assouvir leur curiosité pour le travail scientifique.
Rester entre femmes
«L’alpinisme et les sciences naturelles sont des domaines encore dominés par les hommes», explique Natalie Vögeli, en se basant sur sa propre expérience. «C’est la raison pour laquelle il est important que les jeunes femmes puissent découvrir ce monde entre elles.»
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La condition pour un reportage chez les Gletscher-Girls (les femmes du glacier, ndlr.)? S’il vous plaît, uniquement des femmes, c’est-à-dire une journaliste et une photographe. Les hommes ne sont pas non plus souhaités parmi les assistants autour du camp. «Notre expérience montre que cela vaut la peine de rester entre nous pour le projet», continue la présidente de l’association.
L’ascension n’est pas facile, c’est avec au moins 16 kilos sur le dos que les jeunes femmes montent en direction du massif du Mont Rose. L’air s’y fait rare et il faut quatre heures pour atteindre le camp à 3000 mètres d’altitude. «Le sac à dos était tellement lourd, je n’en pouvais plus», raconte la plus jeune du groupe, Maja, 15 ans, lorsque nous la rencontrons sur le glacier de Findelen.
De nouvelles perspectives
Bien arrivées en haut, l’ambiance est détendue. Au programme, une conférence de la glaciologue Kathrin Naegeli. «Nous étudions comment les paramètres de surface des glaciers se comportent de manière dynamique et comment ils peuvent influencer la fonte.»
La chercheuse fait monter deux bâches avec des photos satellites: «Ce que vous voyez ici de très près n’est pas visible depuis l’espace et inversement». La leçon? La perspective est importante, particulièrement lorsqu’il s’agit de mesurer la couche de neige sur les glaciers. Celle-ci est mieux mesurée depuis les airs. «La neige sur les glaciers est extrêmement importante, car elle les protège de la fonte», souligne Kathrin Naegeli.
Il n’y a jamais eu aussi peu de neige que cette année sur le glacier de Findelen. Exposée, une partie de la glace a alors directement fondu et a été perdue à jamais. Mais ce qui a particulièrement effrayé la chercheuse, c’est l’abondance d’eau dans la Matter Vispa, la rivière qui s’écoule de Zermatt: «Je ne l’ai jamais vue aussi haute. Toute cette eau provenant du glacier est irrécupérable.»
En haut, le changement climatique est visible
«Ici, on peut voir directement les effets du changement climatique», raconte Elodie. L’élève avait enfoncé une sonde d’ablation de 15 centimètres dans la glace. Celle-ci a fondu au bout de deux jours. «En quelques heures, trois centimètres de la surface fondent. Cela devient visible avec la mesure. Sinon, nous ne l’aurions pas remarqué.»
Aucune participante ne redescend du glacier sans avoir changé. Chaque jour, les jeunes femmes chaussent leurs crampons, explique la géographe Lena Hellmann, responsable du camp. Parmi les moments forts, il y a l’ascension d’un sommet en cordée et l’escalade sur glace dans une crevasse (huit mètres de profondeur). «C’est un défi», raconte Mara, 17 ans, élève argovienne.
La glace gardée… Dans un coffre-fort
Après sept jours et sept nuits, il est difficile de lever les tentes et de quitter le cocon familier qui s’est formé dans ce monde inhospitalier. Mais l’aventure n’est pas encore tout à fait finie. Les participantes passent les deux derniers jours à l’Institut Paul Scherrer (PSI) à Villigen (AG), qui soutient l’expédition.
Elles y présentent en petits groupes les travaux de recherche qu’elles ont réalisés pendant leur semaine sur le glacier. «Ces jeunes femmes m’impressionnent chaque année», se réjouit Margit Schwikowski, la directrice du laboratoire de chimie environnementale du PSI et membre du comité directeur de la fondation internationale Ice Memory.
La glace des glaciers recèle de précieuses informations sur le passé de notre planète; au PSI, des carottes de glace (des échantillons retirés de calottes glaciaires, ndlr.) du monde entier sont stockées dans un coffre-fort réfrigéré.
«Cela nous permet de remonter 10’000 ans en arrière, parfois même plus», explique Margit Schwikowski. Son travail l’a conduite sur de nombreux glaciers alpins de haute altitude dans le monde entier pour y forer des carottes de glace. «Je veux permettre aux jeunes femmes de découvrir par elles-mêmes ce monde fascinant de la neige et de la glace».
Un monde qui n’existera plus très longtemps sous cette forme. «Rien qu’au cours des deux dernières années, le glacier de Findelen a reculé de plus de 300 mètres.» Avec la vague de chaleur de cet été, il est clair que «dans 20 à 30 ans, le glacier de Findelen ne sera plus que l’ombre de lui-même. Comme beaucoup d’autres glaciers alpins.»
(Adaptation par Nora Foti)