Armée contre paramilitaires
Les combats continuent au Soudan malgré une nouvelle trêve

De violents combats se poursuivent à Khartoum et au Darfour, malgré un accord sur une nouvelle trêve au Soudan entre l'armée et les paramilitaires. Les deux parties sont engagées dans une guerre pour le pouvoir ayant fait plus de 500 morts en près de deux semaines.
Publié: 29.04.2023 à 07:07 heures
Le conflit a fait plusieurs centaines de morts en près de deux semaines.
Photo: MARWAN ALI

Malgré leur récent accord sur une trêve, les violents combats ont continué au Soudan entre l'armée et les paramilitaires. Plus de 500 sont à déplorer après environ deux semaines, à cause de cette guerre pour le pouvoir.

A El-Geneina, chef-lieu du Darfour-Ouest, 74 personnes ont été tuées durant les deux premiers jours de combats lundi et mardi, a rapporté le syndicat des médecins dans un bilan provisoire, les morts des derniers jours n'ayant pu être comptabilisés dans la mesure où l'ensemble des hôpitaux sont «hors service».

A travers tout le pays, «le système de santé est au bord de l'effondrement total» et «12'000 patients souffrant d'insuffisance rénale pourraient mourir faute de dialyse», alerte le syndicat. Dans la nuit de jeudi à vendredi, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo ont accepté de prolonger pour 72 heures la trêve, conclue sous l'égide des Etats-Unis, mais qui n'a quasiment jamais été respectée.

Une situation «toujours très tendue»

«Les violations du cessez-le-feu ne signifient pas son échec», a déclaré vendredi à la presse le porte-parole du département d'Etat, Vedant Patel. A Khartoum, frappes aériennes et tirs anti-aériens ont retenti près du quartier général de l'armée, selon des témoins à l'AFP.

Au Darfour, «la situation est toujours très tendue», raconte à l'AFP un habitant d'El-Geneina. «Les marchés ont été pillés et il n'y a plus de nourriture.» Plusieurs immeubles et des camps de déplacés ont été «gravement endommagés» et l'électricité est «coupée depuis lundi», ajoute-t-il.

Avocats et médecins tirent la sonnette d'alarme pour cette région frontalière du Tchad. A El-Geneina, des combattants ont sorti «mitraillettes, mitrailleuses lourdes et machines de tirs antiaériens» et «tirent des roquettes sur des maisons», rapporte l'ordre des avocats du Darfour.

50'000 enfants souffrant de malnutrition

«Burhane et Hemedti doivent immédiatement arrêter cette guerre stupide qui se fait sur le dos des civils», a-t-il exhorté. L'ONU indique que «des armes sont distribuées» aux civils. Son Haut-Commissariat aux droits de l'homme a prévenu que le conflit ravivait des affrontements ethniques au Darfour-Ouest, se disant «préoccupé» par le «climat d'impunité généralisée».

Quelque 50'000 enfants «souffrant de malnutrition aiguë» y sont privés d'aide alimentaire, avertit l'ONU qui a suspendu ses activités après la mort de cinq humanitaires. Peu d'informations filtrent de cette région où une guerre déclenchée en 2003 entre le régime d'Omar el-Béchir, déchu en 2019, et des insurgés issus de minorités ethniques a fait environ 300'000 morts et près de 2,5 millions de déplacés, selon l'ONU.

Les belligérants continuent de s'accuser mutuellement de violer la trêve. L'armée a même dénoncé des tirs des FSR sur un avion militaire turc venu évacuer des ressortissants. Ankara a confirmé, précisant qu'il n'y avait aucun blessé, selon l'agence étatique Anadolu.

Plusieurs milliers de personnes ont déjà fuit le pays

Le général Burhane a dénoncé sur la télévision al-Hurra l'entrée dans les combats de «mercenaires du Tchad, de Centrafrique et du Niger». «Cette guerre détruit le Soudan», a déclaré de son côté le général Daglo dans une interview à la BBC, qualifiant son rival de «traître».

Sur le front diplomatique, les deux généraux ont déclaré avoir eu des échanges avec les Etats-Unis, l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, l'Ethiopie ou le Soudan du Sud. Juba s'inquiète des «débordements déjà visibles» du conflit, notamment avec l'afflux de «réfugiés» dans les pays voisins.

Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont déjà traversé les frontières, notamment du Tchad à l'ouest et de l'Egypte au nord. Au total, 270'000 personnes pourraient fuir au Tchad et au Soudan du Sud, selon l'ONU. Un représentant du général Burhane est attendu samedi au Caire pour rencontrer le chef de la diplomatie égyptienne, Sameh Choukry.

Un putsch en 2021 qui a mal tourné

Douchant les espoirs d'une transition démocratique, les deux généraux avaient évincé ensemble les civils du pouvoir lors d'un putsch en 2021. Depuis, ils ne sont pas parvenus à s'accorder sur l'intégration des paramilitaires dans l'armée avant de finalement entrer en guerre le 15 avril.

A Khartoum, les cinq millions d'habitants sont privés d'eau courante et d'électricité ainsi que, souvent, d'internet et de téléphone. L'essence et l'argent liquide commencent aussi à manquer. Plusieurs pays occidentaux, notamment les Etats-Unis, la France, le Canada et le Royaume-Uni, ont continué à évacuer des centaines de personnes. La Chine a annoncé avoir évacué la plupart de ses ressortissants.

Le Tchad poursuit aussi le rapatriement de ses ressortissants pris au piège des combats: 130 d'entre eux, dont des enfants et des personnes âgées, ont atterri dans la nuit à Ndjamena depuis Port-Soudan. Un nouveau navire saoudien est arrivé vendredi à Jeddah (ouest), portant à 2991 le nombre de personnes évacuées par Ryad, qui a accueilli l'essentiel des étrangers ayant quitté le Soudan par la mer.

(ATS)

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