A Khartoum et au Darfour
Violents combats au Soudan, malgré une trêve

La violence a franchi jeudi un nouveau palier au Soudan avec des destructions et des pillages au Darfour et d'intenses bombardements à Khartoum. Ils surviennent au treizième jour du conflit entre l'armée et des paramilitaires ayant déjà fait des centaines de morts.
Publié: 28.04.2023 à 08:28 heures
Le pays est en proie au chaos depuis plusieurs jours.
Photo: Indonesian Embassy KBRI Khartoum

Quelques heures avant l'expiration jeudi à minuit d'un cessez-le-feu de trois jours qui n'a quasiment pas été respecté, l'armée et les Forces de soutien rapide (FSR) ont annoncé avoir approuvé l'extension de la trêve pour 72 heures «suite à une initiative de l'Arabie Saoudite et des Etats-Unis».

Dans un communiqué commun diffusé à Washington, les membres du «Quad» sur le Soudan (Arabie Saoudite, Emirats, Royaume-Uni et Etats-Unis), ainsi que l'Union africaine et l'ONU, ont jugé «bienvenue» cette extension du cessez-le-feu et appelé à «sa pleine mise en oeuvre» et «à un accès humanitaire sans entrave».

Ce «cessez-le-feu», entamé mardi, a permis l'évacuation de milliers d'étrangers et de Soudanais mais n'a pas empêché Khartoum d'être pilonnée par avions et artillerie lourde en continu. Auparavant, de multiples efforts en vue d'instaurer une trêve entre les deux parties, qui s'affrontent depuis le 15 avril, avaient échoué.

Des pillages «à chaque coin de rue»

«J'entends des bombardements intenses à l'extérieur de chez moi», rapporte jeudi soir à l'AFP un habitant de Khartoum. Les combats qui opposent, depuis le 15 avril, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, aux très redoutés paramilitaires des FSR du général Mohamed Hamdane Daglo, dit «Hemedti», ont fait plus de 500 morts et des milliers de blessés, selon le ministère soudanais de la Santé.

Douchant les espoirs d'une transition démocratique, les deux généraux ont évincé ensemble les civils du pouvoir lors d'un putsch en 2021, avant d'entrer en guerre, ne parvenant pas à s'accorder sur l'intégration des paramilitaires dans l'armée.

Au Darfour, région reculée dont l'accès est aujourd'hui impossible, les violences s'intensifient, notamment à El-Geneina, capitale du Darfour-Ouest. «Hôpitaux, bâtiments publics et centres de soin ont été sévèrement endommagés et il y a des pillages à chaque coin de rue», confie à l'AFP un habitant d'El-Geneina.

«On est bloqués chez nous, on a trop peur de sortir donc on ne connaît pas l'ampleur exacte des destructions», dit-il. Peu d'informations filtrent de cette région frontalière du Tchad et théâtre dans les années 2000 d'une guerre particulièrement sanglante. Mais des médecins prodémocratie ont déjà annoncé la mort d'un de leurs confrères dans ces violences.

L'ONU fait état depuis plusieurs jours «d'attaques contre les civils, de pillages et d'incendies de maisons», alors que «des armes sont distribuées» à des civils. Ces affrontements rendent encore plus précaire la vie des habitants de la région, l'une des plus pauvres du pays où 50'000 enfants «souffrant de malnutrition aiguë» sont privés d'aide alimentaire depuis que l'ONU a interrompu ses activités après la mort de cinq humanitaires.

«La violence, l'interruption du fonctionnement de nombreux hôpitaux et dispensaires, l'accès limité à l'eau potable, les pénuries alimentaires et le déplacement forcé des populations» constituent «les plus grands risques pour la santé au Soudan», alerte l'Organisation mondiale pour la santé (OMS).

Les combats ont provoqué un exode massif dans ce pays de 45 millions d'habitants, l'un des plus pauvres au monde. Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont arrivées dans les pays frontaliers: le Tchad à l'ouest, l'Ethiopie à l'est, le Soudan du Sud et la Centrafrique au sud et l'Egypte au nord.

L'approvisionnement en nourriture inquiète

Le président de la Commission de l'Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a appelé les pays voisins et la communauté internationale à aider les personnes fuyant les combats, exhortant les belligérants à «convenir immédiatement d'un cessez-le-feu permanent pour faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire aux Soudanais dans le besoin».

Ces derniers jours, plusieurs pays ont organisé des évacuations par voie maritime ou aérienne. Plus de 200 Irakiens ont atterri jeudi à Bagdad, évacués à bord de deux avions envoyés par le gouvernement irakien.

Un nouveau navire saoudien est arrivé en soirée dans la ville portuaire de Jeddah, dans l'ouest du royaume, portant à 2744 le nombre de personnes évacuées par Ryad. Le Canada a annoncé avoir procédé à l'évacuation de 118 ressortissants canadiens et d'autres pays. Ceux restés au Soudan dans les zones de combat doivent composer avec les pénuries de nourriture, d'eau et d'électricité ainsi que les coupures d'internet et des lignes téléphoniques.

Le coordinateur humanitaire par intérim des Nations Unies au Soudan, Abou Dieng, s'est dit «extrêmement inquiet quant à l'approvisionnement en nourriture», appelant à «agir collectivement». Quatorze hôpitaux ont été bombardés, selon le syndicat des médecins, et 19 autres ont été évacués de force à cause de tirs, de manque de matériel et de personnel ou parce que des combattants y avaient pris leurs quartiers.

(ATS)

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