Aucune issue ne semble en vue
Les évacuations d'étrangers se poursuivent au Soudan

Au Soudan, les évacuations de ressortissants européens se poursuit après neuf jours de combats pour le pouvoir entre armée et paramilitaires. Le conflit a déjà fait des centaines de morts. Aucune issue ne semble se profiler.
Publié: 24.04.2023 à 11:25 heures
Les militaires français ont évacué quelque 200 personnes, dont des Suisses.
Photo: Laure-Anne MAUCORPS / Armée de l

Les évacuations d'étrangers se poursuivent lundi au Soudan où neuf jours de combats pour le pouvoir entre armée et paramilitaires ont fait des centaines de morts, sans aucune issue en vue.

Les explosions et les tirs n'ont pas cessé de résonner à Khartoum et dans d'autres villes, mais les capitales étrangères sont parvenues à négocier des passages avec les deux belligérants: l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du Soudan, et son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo, qui commande les très redoutés paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

1000 Européens évacués

Plus de 1000 ressortissants de l'UE ont été évacués du pays, a annoncé lundi le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

«Les forces britanniques ont profité d'une petite fenêtre d'opportunité», a indiqué pour sa part un porte-parole du gouvernement à Londres.

Car, «avec des combats intenses qui se poursuivent à Khartoum et la fermeture du principal aéroport», théâtre de combats dès le premier jour des hostilités, le 15 avril, «une évacuation temporaire plus large était impossible», a-t-il poursuivi.

Plusieurs capitales arabes ont également évacué des centaines de leurs ressortissants.

«Tous les scénarios sont mauvais»

Les violences, principalement dans la capitale et au Darfour, dans l'ouest, ont fait selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) plus de 420 morts et 3700 blessés.

La plupart des étrangers évacués sont des membres du personnel diplomatique, de nombreux ressortissants attendant, eux, toujours une place dans les longs convois de voitures blanches ou les bus siglés qui partent en continu vers Port-Soudan, sur la côte est, ou vers des bases aériennes hors de Khartoum.

A l'arrivée à Djibouti, où sont stationnées de nombreuses troupes étrangères, des familles atterrissent, hagardes, au milieu des militaires qui organisent l'incessant ballet des évacuations.

Mais si de nombreux étrangers sont partis, qu'adviendra-t-il des Soudanais, se demandent experts et humanitaires.

«J'ai peur pour leur avenir», admet sur Twitter l'ambassadeur norvégien Endre Stiansen. «Maintenant, les armes et les intérêts personnels pèsent plus que les valeurs et les mots: tous les scénarios sont mauvais», poursuit-il.

Les Soudanais veulent partir

Les cinq millions d'habitants de Khartoum, eux, n'ont qu'une idée en tête: quitter la ville qui ressemble de plus en plus à un piège. L'eau courante et l'électricité sont coupées depuis plusieurs jours, le réseau téléphonique s'est fortement dégradé et les vivres commencent à manquer.

Dans un pays où l'inflation est déjà à trois chiffres en temps normal, le kilo de riz ou le litre d'essence s'échangent désormais à prix d'or.

Or, l'essence est la clé pour s'échapper: il en faut beaucoup pour rejoindre l'Egypte voisine - à 1000 km au nord - vers laquelle des milliers de Soudanais espèrent désormais se tourner. Ou pour rallier Port-Soudan, à 850 km à l'est, et espérer monter dans un bateau, comme l'ont fait les tout premiers évacués du pays, les Saoudiens.

«Alors que les étrangers qui le peuvent s'enfuient, l'impact des violences sur une situation humanitaire déjà critique au Soudan s'aggrave», prévient l'ONU.

Vols de voitures du Programme humanitaire mondial

Prises sous les tirs croisés, ses agences et de très nombreuses organisations humanitaires ont suspendu leurs activités. Cinq humanitaires, dont quatre de l'ONU, ont été tués et, selon le syndicat des médecins, près des trois quarts des hôpitaux sont hors-service.

Déjà, des milliers de Soudanais ont fui en Egypte, au Soudan du Sud et au Tchad, frontalier du Darfour.

Cette région de l'ouest, la plus pauvre du pays, a été ravagée dans les années 2000 par une sanglante guerre ordonnée par le dictateur Omar el-Béchir, déchu en 2019, et menée notamment par les miliciens Janjawids, le gros des troupes du général Daglo aujourd'hui.

Aujourd'hui, alors que personne n'y a accès, elle est de nouveau en proie aux pillages, aux attaques et aux atrocités.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) rapporte ainsi que «10 véhicules et six camions de nourriture ont été volés», soit «4000 mètres cube d'aliments» qui n'iront pas aux 45 millions de Soudanais, dont plus d'un sur trois souffrait de la faim avant le confit actuel.

Un conflit qui a dégénéré

Celui-ci a dégénéré en guerre samedi. Mais il couvait en réalité depuis des semaines entre les deux généraux arrivés au pouvoir avec un putsch en 2021.

Leur union - de circonstances selon les experts - a volé en éclats sur la question de l'intégration des FSR aux troupes régulières. Des mois de négociations politiques sous égide internationale n'ont pas résolu une divergence vieille de l'époque de la guerre du Darfour.

Sur le plan militaire, avec les deux camps engagés dans une guerre de l'information, il est impossible de savoir qui contrôle les institutions du pays ou les aéroports, et dans quel état se trouvent les infrastructures après les raids aériens, tirs d'artillerie et autres combats de rue.

(ATS)

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