Appels au cessez-le-feu ignorés
«Cela fait quatre jours que l'on ne dort pas», racontent les civils soudanais

La capitale soudanaise tremble mardi soir sous les tirs et les explosions au quatrième jour d'une lutte de pouvoir entre deux généraux toujours indifférents aux appels à un cessez-le-feu, après des combats ayant fait près de 200 morts.
Publié: 18.04.2023 à 21:06 heures
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Dernière mise à jour: 20.04.2023 à 14:27 heures
Le bruit des combats résonnait toujours mardi dans différents quartiers de Khartoum.
Photo: Abdullah Moneim

À la demande de la communauté internationale face aux combats au Soudan, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, dit «Hemedti», avaient annoncé s'engager pour une trêve de 24 heures ce mardi. L'armée soudanaise, elle, disait n'en avoir pas entendu parler.

Depuis que le conflit politique entre les deux généraux a dégénéré samedi en bataille rangée, civils et diplomates pressaient les deux partis de s'accorder sur un calendrier et des conditions d'intégration des FSR à l'armée pour relancer la transition démocratique. Faute d'accord, ils ont sorti les armes.

À l'heure convenue, 16h heure locale – 18h en Suisse – le bruit des combats résonnait toujours dans différents quartiers de Khartoum, selon plusieurs témoins. Les FSR ont accusé l'armée dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, aux commandes depuis le putsch de 2021, d'avoir «violé la trêve». Il se trouve que leurs propres hommes continuaient de tirer à l'arme lourde dans les rues, selon des témoins.

Pillage de certains établissements de santé

Les avions militaires survolent toujours la ville alors qu'ils ont déjà frappé quatre hôpitaux à Khartoum, s'alarment des médecins. Dans tout le pays, l'un des plus pauvres au monde, où la santé est alarmante depuis des décennies, «16 hôpitaux sont désormais hors service.»

La Croix-Rouge et l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont appelé les belligérants à garantir l'accès aux personnes dans le besoin, alors que les combats se concentrent à Khartoum et dans la région du Darfour, à l'ouest. Le patron de l'OMS, le Docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, a dénoncé «le pillage de certains établissements de santé et de l'utilisation d'autres à des fins militaires».

Dans un pays où la faim touche plus d'un habitant sur trois, humanitaires et diplomates disent ne plus pouvoir travailler: trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués au Darfour.

Injonctions de la communauté internationale ignorées

Mais les appels du G7, de l'ONU et des États-Unis à mettre fin aux violences n'y font rien: des hommes en treillis, parfois enturbannés comme les nomades de la région du Darfour, continuent de faire régner la terreur à Khartoum, tandis que les raids aériens de l'armée touchent des zones densément peuplées.

Les habitants, eux, sont en majorité cloîtrés chez eux sans électricité ni eau courante et voient leurs stocks de nourriture fondre depuis que le conflit politique a dégénéré. Au quatrième jour de violence, les rares épiceries ouvertes préviennent qu'elles ne tiendront plus longtemps sans réapprovisionnement. Des habitants commencent à partir pour la province qui borde le sud, où il n'y a pas de combats. Sous un ciel barré de colonnes d'épaisse fumée noire au-dessus des QG de l'armée et des paramilitaires, d'autres s'aventurent dehors à la recherche de nourriture ou d'un générateur.

«Cela fait quatre jours que l'on ne dort pas»

À Khartoum, «cela fait quatre jours que l'on ne dort pas», raconte à l'AFP Dallia Mohamed Abdelmoniem, 37 ans. Les violences ont fait depuis samedi plus de 185 morts à travers le pays, selon l'ONU, et poussé plusieurs ONG et agences onusiennes à suspendre toute aide.

Lundi, un convoi diplomatique américain a essuyé des tirs et l'ambassadeur de l'Union européenne a été «agressé dans sa résidence» à Khartoum. La diplomatie soudanaise, loyale au général Burhane, a accusé les FSR.

Hôpitaux en détresse

L'ONU recense 1.800 blessés, et sûrement beaucoup plus tant les accès sont difficiles, pour les patients comme pour les médecins.

Au Darfour, le bastion du général Daglo, ses hommes ont mené des atrocités durant la guerre lancée dans cette région en 2003. Médecins sans Frontières (MSF) annonce avoir accueilli en trois jours 183 blessés, «dont beaucoup d'enfants», dans son dernier hôpital fonctionnel.

Impossible de savoir avec certitude le territoire que chaque camp contrôle. Les deux camps disent par communiqués interposés détenir l'aéroport, le palais présidentiel et le QG de l'état-major.

Conséquences du régime Bechir

L'armée dénonce «un coup d'État» de «rebelles soutenus par l'étranger» alors que Hemedti déclare lutter «pour la liberté, la justice et la démocratie». Ce slogan de la «révolution» de 2019 était jusqu'à récemment encore scandé dans la rue par les militants pro-démocratie voulant en finir avec le pouvoir militaire, quasiment une constante au Soudan depuis l'indépendance en 1956.

Pour le politologue Amr Chobaki, «la situation actuelle est le résultat des erreurs du régime Bechir et de la période de transition qui aurait dû, après la chute de Bechir en 2019, discuter de l'unification des forces armées». «Les civils voulaient démanteler l'ancien régime, mais ce qui a été démantelé sont les forces politiques et l'armée», explique-t-il à l'AFP. Le grand voisin égyptien, lui, multiplie les contacts régionaux pour «un retour à la table des négociations».

(ATS)

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