L'interdiction de l'avortement aux Etats-Unis pourrait créer de nombreuses incohérences dans les lois américaines. C'est ce que démontre une conductrice enceinte au Texas. Dans cet Etat, il existe des voies réservées au covoiturage, c'est-à-dire uniquement aux véhicules comprenant plusieurs personnes, explique le média en ligne Slate. Ces voies, qui ont à la base pour but de promouvoir cette pratique, ont servi de théâtre à un drôle de dialogue. Une Texane y a été arrêtée par la police de Dallas, car elle était visiblement seule dans sa voiture.
Après une inspection du véhicule, l'inspecteur responsable a déjà pu se faire son propre avis. Mais, en bon professionnel, il interrogera quand même Brandy Bottone avant de l'amender, rapporte le Washington Post:
- N'y a-t-il que vous, ou quelqu'un fait-il la route avec vous?
- Il n'y a que nous deux.
- Où ça?
- Ma fille se trouve juste ici!
Montrant son ventre du doigt, la conductrice, enceinte de 34 semaines, a soutenu qu'ils étaient bien deux. «J'ai affirmé que c'était un enfant vivant, et que je ne comprenais pas pourquoi il ne le voyait pas lui-même: c'est bien le cas si on en croit tout ce qui s'est dit autour de l'abrogation de Roe v. Wade!», a-t-elle poursuivi, faisant référence à la récente annulation de l'arrêt qui autorisait l'interruption volontaire de grossesse aux Etats-Unis.
«Je vais me battre»
Mais rien n'y fait: l'argumentaire est balayé d'un revers de la main par l'officier. La Texane de 32 ans est condamnée à une amende de 215 dollars pour avoir conduit sur une voie de covoiturage prétendument seule dans sa voiture. Le code des transports de son Etat spécifie en effet que, pour emprunter ces voies particulières, le véhicule doit être occupé par «deux corps en dehors d'un corps».
Une évidente contradiction selon Brandy Bottone, qui ne s'arrêtera pas là: «Je vais me battre!», tonne-t-elle. Un acte de protestation contre le revirement de jurisprudence, considéré par beaucoup d'Américaines comme scandaleux? La Texane affirme vivement que les femmes devraient pouvoir disposer librement de leur corps. Elle précise que son acte ne signifie en aucun cas qu'elle est pro-choix, mais prouve que les lois de son Etat sont incohérentes.
«Cette amende est injuste, cette arrestation était une perte de temps», fulmine-t-elle, révélant qu'elle conduisait déjà sur cette voie quand elle était enceinte de son premier fils il y 6 ans. Les fœtus étant considérés comme des personnes par le code pénal texan, elle estime qu'elle était dans son bon droit, commente-t-elle. Elle espère vivement que les lois de son Etat seront revues pour se positionner plus clairement à ce sujet.
Une créativité récompensée?
«Je trouve son argument créatif, mais je ne pense pas qu'il ait des chances d'aboutir devant une cour d'appel, a estimé un avocat d'appel texan. Ceci dit, il est tout à fait possible qu'elle trouve un juge de première instance qui la récompense pour cette créativité!», nuance Chad Ruback. Interrogé par le journal américain, l'homme de loi a précisé que c'était «une situation unique dans la jurisprudence américaine». L'action de cette courageuse texane, saluée par de nombreux internautes sur Twitter, a notamment retenu l'œil d'une procureure américaine, Andrea Harrington, qui l'a applaudie.
La procureure du district de Berkshire s'est indignée sur le réseau social de «l'absurdité et la misogynie derrière la criminalisation des soins de santé des femmes», n'hésitant pas à affirmer au passage que Brandy Bottone était sa «nouvelle héroïne féministe».
Le Texas a mis en place en septembre 2021 l'une des lois anti-avortement les plus restrictive du pays. Le procès de Brandy Bottone se déroulera le 20 juillet, deux semaines avant le terme de sa grossesse.