L'attentat terroriste de Moscou fait l'objet de récupérations politiques et de plusieurs théories du complot. Bien que la branche EI-K ("Etat islamique dans la province de Khorasan» – une région historique d'Asie centrale) ait revendiqué l'acte, plusieurs instances tentent de brouiller les pistes et d'incriminer d'autres auteurs.
Depuis le début, le Kremlin privilégie la piste ukrainienne alors que ses opposants pensent que Vladimir Poutine est lui-même à l'origine du carnage qui a fait 143 morts.
Dernièrement, la théorie des «hommes en bleu» a été diffusée. Elle suggère que des agents des services secrets russes (FSB) se sont mêlés aux spectateurs du concert pour arrêter quelques heures plus tard dans la forêt de la région de Bryansk les Tadjiks qui tiraient à l'arme à feu dans le Crocus City Hall. Les dernières informations montrent toutefois qu'il n'y a rien de vrai dans ces hypothèses. Reprenons les choses dans l'ordre.
Quatre hommes en pull bleu dans la salle de concert
Il y a quelques jours, les utilisateurs de X n'étaient pas les seuls à partager des comparaisons d'images bancales, la chaîne d'opposition biélorusse Nexta a également diffusé la théorie des «hommes bleus». Le fait que le FSB était représenté dans la salle de concert devait donc être «prouvé» par les vêtements de certains membres du public.
En effet, sur les images filmées par les témoins oculaires à l'intérieur de la salle, on voit quatre hommes portant tous des pulls et des jeans bleus et appelant à fermer les portes quelques secondes avant que les coups de feu ne retentissent.
D'abord lors du concert, puis lors de l'arrestation à Brjansk?
Pour deux de ces protagonistes, Nexta a publié d'autres détails qui auraient dû rendre plus crédible un lien avec les services secrets.
Nexta a joint à son enquête la photo d'un homme publiée sur le site Internet d'un centre sportif de la commune moscovite de Sosenskoje. Il posait avec un certificat de troisième place dans un concours de bras de fer. C'est également à Sosenskoje que se trouve le quartier général des services de renseignements militaires.
Au sujet d'un autre homme, Nexta écrit qu'il s'agirait de la même personne que celle qui a participé à l'arrestation dans la forêt quelques heures plus tard. «Il apparaît masqué, mais les traits de son visage, la forme de sa tête et la position de ses yeux indiquent qu'il s'agit de la même personne.»
Nexta conclut que les agents du FSB utilisent la couleur bleue pour se fondre dans la masse sans être repérés, tout en pouvant se reconnaître facilement les uns les autres.
«Chers théoriciens du complot, je suis désolé de vous décevoir»
Il s'avère maintenant que l'hypothèse des «hommes en bleu» n'est probablement rien de plus qu'une autre théorie du complot.
Le fondateur du réseau international de recherche d'investigation Bellingcat, Eliot Higgins, écrit sur X: «Chers théoriciens du complot, je suis désolé de vous décevoir, mais il s'avère que l'«homme du FSB au pull bleu» était un ouvrier ordinaire du nom d'Alexeï Droujkov, qui n'a rien à voir avec le FSB ou l'homme au masque.»
Avec d'autres journalistes, Bellingcat démonte la théorie des «hommes bleus».
Professeur de sport et ouvrier du pétrole
L'"employé du FSB» de Sosenskoje s'est révélé être le professeur de sport Dmitri Erokhine, comme l'ont découvert Maxim Litavrin, journaliste du projet indépendant russe Mediazona, et un autre journaliste indépendant, Andreï Sakharov.
Un autre «agent spécial» a été identifié par Roman Dobrochotov, rédacteur en chef du média d'investigation «The Insider», et Christo Grosev de Bellingcat, comme étant Alexeï Droujkov. Il travaillerait donc pour un institut de recherche sur les travaux pétroliers.
Nexta suggère que l'individu apparaissant dans les vidéos d'arrestation, bien que masqué, serait le même que celui observé au concert. Cependant, Aric Toler du New York Times, parmi d'autres journalistes, souligne une scène de la vidéo où le masque de l'homme glisse, révélant son visage. La présence d'une barbe sur l'homme en forêt, contrairement à l'homme rasé au concert, indique qu'il s'agit probablement de deux personnes distinctes.
Le programme de reconnaissance faciale rend un verdict accablant
D'autre part, le journaliste Christo Grosev a utilisé un logiciel de reconnaissance faciale pour analyser les visages des deux individus. Bien que la ressemblance soit de 74%, il conclut qu'ils sont différents, le seuil de correspondance fiable étant de 80%.
En revanche, une comparaison de la capture d'écran du concert avec une photo de la même personne plus jeune montre une correspondance. Concernant une autre comparaison, celle entre une photo ancienne du spectateur au concert et une capture d'écran de l'arrestation, le taux de similitude n'est que de 10%. Cette analyse de Grosev renforce l'idée que les deux images ne représentent pas la même personne.