La présidente de la Confédération Viola Amherd alterne entre joies et peines. Récemment, la Valaisanne a célébré la diversité et la tradition avec des milliers de personnes lors de la Fête fédérale des costumes à Zurich. Elle s'est aussi affiché aux côtés du Prince William lors du quart de finale de l'Euro 2024 entre la Suisse et l'Angleterre.
Mais c'est une cheffe de l'armée visiblement touchée qui a rencontré les personnes traumatisées par les intempéries dans son Valais natal et au Tessin. «C'est dur pour la population», rapporte l'ancienne conseillère communale de Brigue, qui ne peut s'empêcher de penser à son passé face à la situation. Interview.
Madame la Présidente de la Confédération, quelles sont les images des régions dévastées par les intempéries qui vous ont le plus marquée?
Qui pense inondations pense forcément à l'eau. Pourtant, ce n'est pas l'eau qui m'a marquée, mais les masses d'alluvions et de débris. C'était un spectacle terrible.
Qu'avez-vous ressenti auprès des gens sur place?
Ils sont très touchés et s'inquiètent beaucoup des conséquences des intempéries. Ils se demandent par exemple s'il y a d'autres personnes disparues dont on ne sait encore rien. Et bien sûr, à quoi ressemblera l'avenir. Les gens sont traumatisés et se demandent: qu'adviendra-t-il de nos villages, de notre industrie? D'où viendront les fonds qu'il faudra investir pour la reconstruction? J'ai été très touchée par les émotions des responsables des communes concernées.
Une fois de plus, votre canton a été touché. En 1993, lorsque votre région natale de Brigue a été inondée, vous avez dû vous affirmer en tant que conseillère communale dans la gestion de crise. Des souvenirs sont-ils remontés à la surface?
Avant de me rendre dimanche à la fête des costumes à Zurich, j'ai vu à quel point le niveau du Rhône était élevé. Les souvenirs sont tout de suite remontés.
Comment était-ce à l'époque?
Dans une première phase, on pense simplement à ce que l'on doit faire. Je me souviens très bien du moment où l'armée nous a assuré de son soutien. Quel soulagement! Bien que de nombreux entrepreneurs de la région aient immédiatement aidé aux travaux de déblaiement, l'intervention de l'armée a été nécessaire.
Qu'est-ce qui a aidé après la première phase du choc?
L'incroyable solidarité de la population suisse. Des bénévoles se sont portés volontaires pour aider au déblaiement et des dons qui ont afflué. Sentir cela a été important.
Retrouvez-vous cette même solidarité cette fois-ci?
Oui, c'est impressionnant de voir comment les habitants des régions touchées et les bénévoles se serrent les coudes et s'entraident. L'engagement de la protection civile, des pompiers et de l'armée est tout aussi important.
Cette expérience vous aide-t-elle aujourd'hui en tant que cheffe de l'armée?
Absolument. Je sais à quel point l'aide rapide et non bureaucratique des forces d'intervention est importante. Cela a bien fonctionné lors des intempéries actuelles. Dès dimanche, l'armée était sur place avec des hélicoptères pour évacuer des personnes.
A propos d'aide rapide: comment va faire l'armée pour reconstruire le pont de Cevio rapidement au Tessin?
L'armée est à pied d'œuvre. Mais même si on travaille vite, il faut que ce soit proprement planifié. Construire un pont qui ne tiendrait pas et où des personnes seraient même blessées n'a pas de sens. C'est pourquoi des experts sont en train de déterminer si la stabilité est suffisante des deux côtés des têtes de pont près de Cevio pour pouvoir le remettre en place.
Et comment l'armée soutient-elle les villages du Valais?
Nous fournissons le soutien nécessaire demandé par les cantons. Le Valais nous a par exemple demandé d'aider à l'éclairage nocturne et aux travaux de déblaiement. Et c'est ce que nous faisons.
Qu'est-ce que le Conseil fédéral peut faire de plus?
Différents départements sont concernés. Parmi eux, le DETEC, qui est responsable des routes nationales et de l'environnement. Tant l'A12 que l'A9 ont été endommagées par les intempéries et doivent être remises en état. Dans un deuxième temps, le financement devra être clarifié.
Êtes-vous en contact avec vos collègues conseillers fédéraux?
J'ai été en contact téléphonique avec plusieurs collègues du Conseil fédéral. J'ai par exemple eu le conseiller fédéral Albert Rösti au téléphone dimanche.
Que peuvent faire les autorités pour éviter que de telles catastrophes ne se multiplient?
Prendre différentes mesures, comme nous l'avons fait après les inondations de Brigue en 1993. Celles-ci ont déjà fait leurs preuves à plusieurs reprises. Par exemple lors des grandes intempéries de l'an 2000, qui ont surtout touché Gondo.
Quelles sont ces mesures?
Brigue avait alors rehaussé les murs de rive de la Saltina. De plus, plusieurs ponts, dont celui de la Saltina, ont été rénovés. Malgré toutes les mesures prises, un risque résiduel subsiste toujours en montagne. Tous ceux qui y vivent le savent.
Les experts sont unanimes : en raison du changement climatique, les incidents extrêmes vont se multiplier, surtout en montagne. Dans la «NZZ am Sonntag», Reinhard Steurer, professeur de politique climatique, a déclaré qu'il faudrait abandonner partiellement les vallées alpines exposées au cours des prochaines décennies. Partagez-vous ce point de vue?
Il faut laisser aux habitants des vallées alpines concernées le soin de décider s'ils veulent y vivre ou non. Nous ne pouvons pas le décréter. En Suisse, nous avons un autre modèle politique, nous ne déplaçons pas 10'000 personnes à cause d'un lac de barrage. Mais dans le Val Maggia en particulier, on a pu sentir l'inquiétude des responsables communaux quant à la possibilité pour les gens de revenir dans les petits hameaux.
La question concerne également les coûts. Si, en raison des dommages causés par le changement climatique, il devient plus coûteux de maintenir les localités en vie, pourrait-on justifier cela d'un point de vue économique?
On ne va pas loin avec de telles considérations. Les communes et les cantons concernés sont suffisamment responsables pour voir ce qui est raisonnable.
Constatez-vous aussi que le changement climatique favorise les crues centennales
De tels événements se sont toujours produits, mais ils sont aujourd'hui plus fréquents. Cette évolution me préoccupe aussi. Depuis toujours, je m'engage fortement pour les questions environnementales et climatiques. Nous devons faire tout ce qui est possible pour lutter contre le changement climatique.