Une stratégie de diversion perdante?
Avec son avancée dans le Golan, Netanyahu pourrait aider malgré lui les rebelles

Israël profite du chaos en Syrie pour effectuer une nouvelle avancée dans le plateau du Golan. Benjamin Netanyahu laisse entendre qu'il s'agit d'un acte purement défensif. Mais cette manœuvre dangereuse cache bien d'autres choses.
Publié: 10.12.2024 à 22:48 heures
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Dernière mise à jour: 11.12.2024 à 01:07 heures
Le chef du gouvernement israélien Netanyahu s'est rendu en personne sur le plateau du Golan pour célébrer ce «jour historique».
Photo: IMAGO/ZUMA Press Wire
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Samuel Schumacher

Benjamin Netanyahu espérait que ce jour n'arrive jamais. Mais mardi matin, malgré toutes les stratégies de diversion mises en place, le Premier ministre d'Israël a dû se présenter devant un juge et répondre à ses questions dans une salle d'audience souterraine et sécurisée de Tel Aviv. On reproche au dirigeant de s'être attiré les faveurs de différents groupes de presse et d'avoir accepté sans autorisation des gros cadeaux – des accusations qu'il nie en bloc. Il risque dix ans de prison pour cela. 

Par ailleurs, Netanyahu préférerait sans doute se consacrer aux avancées militaires de son armée sur le territoire syrien, avec lesquelles il tente depuis dimanche de faire oublier ses déboires judicia. Mais l'avancée des troupes israéliennes sur le plateau du Golan est bien plus qu'une nouvelle manœuvre de diversion.

Avec plus d'une centaine de frappes aériennes contre des cibles syriennes, Israël montre clairement qu'il ne se fie pas au nouveau régime. Netanyahu a pris les devants en éliminant en amont tous les stocks militaires du pays arabe voisin, afin qu'elles ne tombent pas entre «de mauvaises mains». Pendant la nuit, les avions de combat israéliens ont bombardé plusieurs aérodromes militaires, des dépôts de munitions et des navires de guerre syriens. 

Mais le fait que Netanyahu ait désormais ordonné l'envoi de chars et d'unités d'élite en direction de la Syrie, en plus des attaques aériennes, a surpris de nombreux observateurs.

L'avancée dans le Golan

La partie occidentale du plateau du Golan, qui appartient à la Syrie, est occupée par Israël depuis 1967. Depuis la guerre du Yom Kippour en 1973, des troupes de l'ONU se tiennent dans une zone tampon spécialement créée entre le territoire occupé par Israël et celui de la Syrie. Cette «paix» fragile a duré 50 ans. 

Mais dimanche, les chars israéliens ont pénétré dans la zone tampon – et même bien au-delà, à seulement 25 kilomètres de Damas, selon des informations non confirmées. En parallèle, les soldats de l'unité d'élite Shaldag ont pris un poste militaire syrien dans les hauteurs glacées du mont Hermon, qui culmine à 2814 mètres.

Benjamin Netanyahu s'est rendu en personne à la frontière syrienne pour célébrer ce «jour historique» devant le drapeau israélien flottant dans les airs. «Nous tendons la main de la paix à tous ceux qui se trouvent au-delà de nos frontières en Syrie: les Druzes, les Kurdes, les chrétiens et les musulmans qui veulent vivre en paix avec Israël», a déclaré le chef du gouvernement.

Son armée a pris des «positions défensives temporaires» sur les hauteurs du Golan, écrit le porte-parole de Netanyahu dans un communiqué en anglais. Or, fait intéressant: le document original en hébreu ne mentionne pas le caractère temporaire de la campagne, comme l'a souligné le journal britannique «The Economist».

Israël pourrait aider malgré lui les rebelles

Israël n'a aucun intérêt à ouvrir un nouveau front de guerre en Syrie. Il est déjà plongé dans la guerre à Gaza, est occupé par une avancée illégale en Cisjordanie et par un cessez-le-feu instable avec le Liban, sans parler de sa peur incessante de son ennemi juré, l'Iran. Mais l'avancée sur le plateau du Golan syrien pourrait justement se retourner contre lui.

Pour l'instant, les différentes factions de la Syrie post-Assad sont encore trop préoccupées par elles-mêmes et de «comment continuer». Mais un ennemi extérieur comme Israël pourrait servir de cible idéale pour les rebelles, afin de faire abstraction des différends internes.

De plus, la famille d'Ahmed al-Chareh, qui a mené la milice Hayat Tahrir al-Cham à la victoire en Syrie sous son nom de guerre Abou Mohammed al-Joulani, est originaire des hauteurs du Golan. Le nouvel homme fort de Syrie devrait ne pas voir d'un bon œil les chars israéliens déployés sur ses terres.

Une image qui ne peut être réparée par des victoires militaires

L'avancée d'Israël sur les hauteurs du Golan ne devrait toutefois pas avoir de conséquences immédiates. Le président américain Joe Biden ne voudra pas se brûler les doigts avec la dernière agression militaire de son «ami» mal-aimé de Jérusalem. Donald Trump a déjà clairement fait savoir qu'il ne voulait pas se mêler de la Syrie. Et l'Iran – comme le montre clairement l'avancée impunie d'Israël – n'a jamais été aussi faible.

Netanyahu se voit déjà comme le grand vainqueur des événements en Syrie. Il avait déclaré que la chute de Bachar el-Assad est «une conséquence directe» de la lutte israélienne contre le Hezbollah libanais, qui avait toujours soutenu le dictateur au cours des années précédentes.

Du point de vue militaire, tout marche comme sur des roulettes pour le Premier ministre controversé. Mais en ce qui concerne son image personnelle, c'est une autre paire de manches: il ne peut pas gagner ses procès pour corruption, ni avec des chars ni avec des frappes aériennes ciblées.

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