La joie anesthésie les douleurs et la détresse passées. Dans les rues et sur les places, la population exulte, malgré tout. Pendant huit mois, la métropole du sud de l'Ukraine, Kherson, était aux mains des occupants. Désormais, les forces russes se sont retirées sur l'autre rive du Dniepr.
La capitale provinciale est à nouveau en main ukrainienne. Les soldats ont été salués avec de petits drapeaux jaunes et bleus. Et lorsque le président Volodymyr Zelensky a fait une apparition surprise lundi dernier et chanté l'hymne national, les larmes ont ruisselé sur les joues des Ukrainiens.
Un jeune homme témoigne de l'ambiance sur place. «Merci beaucoup, mes amis bien-aimés. J'ai toujours cru à notre libération», confie-t-il à Blick. Mais il raconte aussi ce que coûte cette libération. «Nous ne pouvons pas recharger nos téléphones portables, ni téléphoner à nos familles. Nous n'avons pas de pluie, pas d'eau. Mais nous survivrons!»
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Des températures jusqu'à moins 25 degrés
Et l'hiver est à nos portes. Des vagues de froid allant jusqu'à moins 25 degrés ne sont pas rares en terres ukrainiennes. Les premières neiges sont d'ailleurs déjà tombées à Kiev. Et ce n'est pas seulement dans les régions libérées du pays meurtri par la guerre qu'une catastrophe humanitaire se profile.
Depuis le début de l'invasion, plus de 140'000 logements ont été détruits. Les Nations unies estiment que plus de neuf millions de personnes ont actuellement besoin d'aide. Près de sept millions de personnes ont déjà fui leur foyer et se sont réfugiées ailleurs en Ukraine. Plus d'un million d'entre elles patientent dans des bâtiments publics mal chauffés comme des écoles ou des gymnases. La pluie de missiles tirés par l'armée de Vladimir Poutine a détruit près de 40% des installations d'approvisionnement en électricité.
Les tirs de mardi dernier ont été les plus violents depuis le début de l'invasion russe. Par moments, près de dix millions de personnes ont été privées d'électricité. Les régions d'Odessa, Kiev, Vinnytsia et Soumy ont été particulièrement touchées.
Aide humanitaire nécessaire
La politique et les organisations humanitaires annoncent ces jours-ci des aides hivernales. Lors de sa réunion du 2 novembre, le Conseil fédéral a décidé d'un plan d'action de 100 millions de francs. Celui-ci doit en premier lieu permettre de reconstruire l'infrastructure énergétique en Ukraine.
La Commission européenne propose un prêt de 18 milliards d'euros pour réparer les bâtiments détruits et assurer l'approvisionnement en énergie et en eau. La réunion des ministres des Affaires étrangères du G7 à Münster a promis début novembre un paquet d'aide humanitaire pour passer l'hiver. Des générateurs, des chauffages, des conteneurs d'habitation, des tentes, des lits et des couvertures doivent aider les Ukrainiens à passer la rude saison.
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) coordonne un plan régional d'aide aux réfugiés auquel participent des partenaires tels que le PNUD, l'OMS, Save the Children, HelpAge International, Intersos, Project Hope, l'UNFPA, le NRC, l'Unicef, le PAM et l'OIM. En Suisse, des organisations telles que la Chaîne du Bonheur, la Croix-Rouge suisse, Helvetas, Caritas et Medair se consacrent au soutien financier, mais aussi pratique, à l'approvisionnement en eau, en nourriture, en médicaments, mais aussi en poêles à pellets.
Des mesures urgentes laissées en suspens
Aux yeux de Kilian Kleinschmidt, cette aide arrive souvent trop tard. Cet entrepreneur allemand, ancien directeur de plusieurs camps de réfugiés du HCR, s'est rendu six fois en Ukraine en tant que conseiller. «Peu de nouveaux logements ont été construits, peu de villages de conteneurs ont été mis en place. Il manque des fenêtres et des matériaux de construction. L'aide étrangère n'a pas été suffisante jusqu'à maintenant. Les grandes institutions ont tout simplement laissé passer ces mesures urgentes.» Et il est désormais difficile de mettre quelque chose sur pied rapidement.
«Il faut une combinaison de mesures d'aide: abris d'urgence, matériaux de construction, réparations, explique l'entrepreneur à Blick. Les fabricants du monde entier auraient par exemple pu produire 10'000 conteneurs d'habitation. Cela aurait pris six mois. Il aurait fallu commencer tout cela en avril ou en mai. Nous savions ce qui attendait l'Ukraine.»
Rien qu'avec les 862 millions d'euros donnés en Allemagne, il aurait été possible de construire 500'000 mètres carrés de logements en plus des conteneurs d'habitation et de loger 100'000 personnes. L'expert en questions migratoires met en garde sur la suite de l'a guerre. «De nombreux Ukrainiens vont quitter le pays pour passer l'hiver dans d'autres pays européens.»
La Pologne s'attend également à une nouvelle vague de réfugiés en provenance du pays voisin. Elle a déjà accueilli 1,3 million de personnes déplacées. Et le pays a d'ores et déjà préparé plus de 100'000 nouvelles places dans des hébergements collectifs, a déclaré la ministre polonaise de l'Intégration, Agnieszka Ścigaj, à la radio Plus. Entre-temps, le gouvernement ukrainien appelle les personnes qui ont fui à l'étranger à ne pas rentrer chez elles pour le moment.
(Adaptation par Mathilde Jaccard)