Une décrue très lente
Levée de blocages mais certains agriculteurs veulent poursuivre le mouvement

Une décrue, pas encore l'épilogue: des agriculteurs ont suivi le mot d'ordre de la FNSEA et des JA, majoritaires, à lever les blocages après une série de concessions gouvernementales, mais certains veulent poursuivre le mouvement.
Publié: 02.02.2024 à 06:54 heures
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Des agriculteurs conduisent leur tracteur en direction de la préfecture de Rennes, le 1er février 2024
Photo: SEBASTIEN SALOM-GOMIS

Suivant les déclarations de la FNSEA, les agriculteurs lèvent lentement le camp et cessent les blocages de routes en France, même si comme ils l'assurent: «ce n'est pas terminé».

Jeudi, des signes de détente se sont multipliés avec notamment la fin du blocage du pont de Cheviré franchissant l'embouchure de la Loire ou encore le départ des agriculteurs des barrages qui coupaient l'A6 au niveau du péage de Villefranche-sur-Saône au nord de Lyon ou l'A81 entre Le Mans et la Bretagne.

En soirée, les préfectures ont fait état de levées de barrages un peu partout dans le pays, ou à tout le moins d'allègements, même si des blocages ponctuels ont persisté, selon Matignon.

Au niveau national jeudi à 19H00, on a constaté une «décrue très lente» des barrages, a indiqué une source policière à l'AFP, même s'«il ne faut pas interpréter cette lenteur autrement que comme un côté un peu veillée d'armes et communion des agriculteurs qui se sont battus pendant une dizaine de jours pour obtenir des garanties».

«Mobilisation historique»

Autour de Lyon, «tous les points qu'on maîtrisait» seront levés vendredi à «14H00», a affirmé à l'AFP Michel Joux, patron de la FRSEA, laissant donc des points sur l'A7 au sud et sur l'A43 à l'est où des agriculteurs présents à l'appel de la Confédération paysanne ont indiqué leur intention de rester.

En Occitanie, un temps épicentre du mouvement de la colère, mais en perte de vitesse depuis la venue du Premier ministre Gabriel Attal il y a une semaine, le nouveau train d'annonces a conduit à la levée – immédiate ou prochaine – de plusieurs barrages, notamment dans l'Aveyron et le Gers.

«Ce fut une mobilisation historique, dure, forte... On s'est donné les moyens de retourner à la table des négociations. On se devait de faire cela pour l'avenir, pour nos jeunes», a estimé Laurent Saint-Affre, délégué de la FDSEA de l'Aveyron, prévenant toutefois que «le match n'est pas fini: il reste encore le point de tension, l'ombre au tableau, celle de Lactalis qui n'en fait qu'à sa tête sur le prix du lait. On pourrait donc ressortir les tracteurs dans quelques jours pour aller y faire un petit tour...»

«Nous avons décidé qu'à l'heure actuelle, au vu de tout ce qui avait été annoncé (...), il faut qu'on change de modes d'action et donc nous appelons nos réseaux (...) à suspendre les blocages et à rentrer dans une nouvelle forme de mobilisation», a indiqué jeudi le président des Jeunes agriculteurs (JA) Arnaud Gaillot, aux côtés du patron de la FNSEA Arnaud Rousseau, lors d'une conférence de presse à Paris.

Certains agriculteurs ont encore besoin de discuter, mais «on sent une volonté de mettre en pause, de basculer sur une mobilisation plus de travail», a ensuite estimé M. Gaillot sur RTL: «on n'est pas là juste pour bloquer, ce n'est pas notre métier, on veut rentrer dans nos fermes, on veut travailler», a-t-il dit en évoquant aussi une «fatigue» après 10 jours de mobilisation.

Parmi les conditions posées par FNSEA et JA pour ne pas reprendre le mouvement: de «premiers résultats» avant le Salon de l'agriculture (24 février-3 mars) puis l'adoption d'une loi d'orientation et d'avenir agricole ainsi que de mesures européennes d'ici à juin.

«Assez duré»

Jeudi midi, Gabriel Attal, pour sa troisième salve d'annonces en une semaine, a égrené des mesures qui selon lui répondent «à une grande partie des attentes» des agriculteurs.

Ces mesures comprennent un renforcement des lois Egalim qui visent à empêcher que les producteurs ne fassent les frais de la guerre des prix féroce entre supermarchés d'une part, et distributeurs et fournisseurs de l'agro-industrie d'autre part.

Selon Bercy, les mesures d'urgence pour les agriculteurs représentent quelque 400 millions d'euros au total. Gabriel Attal a évoqué jeudi 150 millions d'euros en soutien fiscal et social aux éleveurs bovins.

Sur les phytosanitaires, le gouvernement a aussi lâché du lest, promettant notamment que le plan Ecophyto visant à réduire l'usage des pesticides serait mis «en pause», une mesure qualifiée de «recul majeur» par des ONG environnementales.

Le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a pour sa part prévu de se rendre vendredi dans le Gard et l'Hérault «pour présenter les mesures concrètes» de soutien aux viticulteurs, ont annoncé ses services.

M. Attal avait reçu ces derniers jours les syndicats agricoles, dont longuement la FNSEA, mais aussi mercredi matin la Coordination rurale, deuxième syndicat agricole, et la Confédération paysanne, troisième.

Gages de Bruxelles

«Pour nous, le mouvement a assez duré, les objectifs ont été atteints (...) tout le monde a connaissance des dossiers qu'on porte», a expliqué à l'AFP le secrétaire général de la Coordination rurale Christian Convers, en annonçant le départ de la région parisienne de ses membres venus du Lot-et-Garonne et dont certains ont été interpellés à Rungis mercredi.

«S'il y en a dans les départements qui veulent continuer, c'est leur affaire», a ajouté le responsable, estimant que vu les avancées obtenues, «quelques jours de mobilisation supplémentaires n'apporteront rien, si ce n'est de la gêne à la population».

De son côté, la Confédération paysanne a appelé à «poursuivre la mobilisation» car «la question fondamentale du revenu» n'est «toujours pas prise à bras-le-corps par le gouvernement» selon elle.

Au-delà de la France, c'est toute l'agriculture européenne qui est touchée par un mouvement de colère.

A l'issue d'une journée qui a vu quelque 1'200 tracteurs converger à Bruxelles, la Commission a promis jeudi des mesures pour défendre les «intérêts légitimes» des agriculteurs européens, «en garantissant des conditions de concurrence équitables» ou en réduisant le «fardeau administratif» de la décriée politique agricole commune (PAC).

(AFP)

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