La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé lundi être candidate à un second mandat pour lequel l'ancienne ministre allemande part en bonne position.
Sur Ursula von der Leyen
«Une décision consciente et réfléchie»
«Je prends aujourd'hui une décision consciente et réfléchie: je souhaite me présenter pour un deuxième mandat», a indiqué la responsable allemande lors d'une conférence de presse après avoir reçu le soutien de la CDU, le parti conservateur allemand dont elle est membre.
Première femme à occuper ce poste, l'Allemande de 65 ans se verrait bien enchaîner cinq de plus à Bruxelles. Dans une Union européenne à laquelle il est souvent reproché d'être trop peu incarnée, elle a imprimé un style, un ton. Désireuse d'affirmer la place du bloc (mais aussi la sienne) sur la scène internationale, elle a tenté de repousser les limites de son poste – outrepassé son rôle, disent ses détracteurs.
Au risque, parfois, de susciter de vives tensions au sein des 27, comme lors d'un déplacement à Tel Aviv en octobre où elle avait soutenu le droit d'Israël à se défendre sans prendre le soin d'ajouter que la réponse militaire à l'attaque du Hamas devait se faire conformément au droit humanitaire et international.
Son cercle est très resserré
Très à l'aise en anglais comme en français (elle jongle régulièrement entre les trois langues dans ses discours), l'ancienne ministre allemande de la Défense est adepte d'une communication millimétrée – et distante – qui laisse très peu de place à l'improvisation.
Depuis le 13e étage du Berlaymont, imposant siège de la Commission européenne au coeur de la capitale belge, elle s'appuie sur un cercle très resserré, un mode de fonctionnement qui agace et fait grincer des dents dans la bulle bruxelloise.
Lorsqu'elle est nommée, à la surprise générale fin 2019, l'accueil est plus que timoré. Joker du couple franco-allemand quand toutes les autres options avaient échoué, elle est reçue fraichement. Le Parlement européen ne lui a accorde sa confiance qu'à une très courte majorité (neuf voix).
Elle soutient Kiev
Quatre ans plus tard, «VDL» s'est imposée à Bruxelles, ville qui l'a vue naître et grandir jusqu'au début de l'adolescence. Et sa reconduite à la présidence de la Commission, si elle n'est en aucun cas garantie, apparaît comme une hypothèse crédible.
«Il y a eu plusieurs situations de crise au cours de son mandat où elle a répondu présente, et où elle s'est assurée d'être aussi visible que possible dans l'action», résume un diplomate européen.
Face au choc de la pandémie de Covid-19, elle pilote un gigantesque plan de relance européen de 750 milliards d'euros, financé par un endettement commun inédit, symbole tangible de solidarité européenne. Après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, elle affiche haut et fort son soutien à Kiev et élabore une stratégie pour sortir de la dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou.
Tout au long de son mandat, elle a défendu avec force le "Pacte vert" (Green deal), impressionnant ensemble législatif, connu en particulier pour son volet climat, quitte, parfois, à se retrouver en porte-à-faux avec sa propre famille politique, le groupe PPE (droite) au Parlement européen.
De bonnes relations avec Joe Biden
Au-delà des frontières des 27, elle a, au moins partiellement, apporté une réponse à la question lancinante attribuée à l'ancien secrétaire d'Etat américain Henry Kissinger: qui appeler quand je veux joindre l'Europe?
Pour Ian Bremmer, fondateur de l'Eurasia Group, basé à New York, la cheffe de l'exécutif européen a su établir une «très bonne relation» avec le président américain Joe Biden. «Biden l'aime bien et lui fait confiance», explique-t-il à l'AFP. «Ils ont trouvé un bon mode de coordination».
Pour le grand public, une image a marqué les esprits, et paradoxalement contribué à renforcer l'image d'une dirigeante à poigne: celle du «Sofagate».
Polémique en Turquie
En avril 2021, lors d'une visite en Turquie, elle est placée sur un canapé, en retrait du président turc Recep Tayyip Erdogan et du président du Conseil européen Charles Michel, installés, eux, dans deux fauteuils. Devenue virale, la scène provoque une vive controverse. Assurant s'être sentie «blessée», la dirigeante enfonce le clou. «C'est arrivé parce que je suis une femme», lance-t-elle.
Après avoir connu une ascension politique très rapide dans son pays, cette mère de sept enfants avait un temps été considérée comme la dauphine désignée de la chancelière Angela Merkel, qui l'a nommée ministre dans chacun de ses quatre gouvernements (2005-2019), avant qu'une série de scandales n'écorne son image.
Fille d'un baron de la politique régionale allemande, Ernst Albrecht, qui a aussi travaillé à la Commission, elle a souvent mis en avant l'impact de son histoire personnelle sur sa vision du continent: «Je suis née à Bruxelles en tant qu'Européenne et je n'ai découvert que plus tard que j'étais Allemande avec des racines en Basse-Saxe.»
(AFP)