Des mobilisés russes auraient été envoyés sur le front Ukraine sans vêtements de protection, avec des armes rouillées. Des écoutes téléphoniques et des rapports de soldats dressent un sombre tableau de l'état de l'armée de Vladimir Poutine. Mais il y a aussi des problèmes dans l'armée ukrainienne, raconte le tireur d'élite Konstantin Proschinski, qui a vécu la guerre de près.
«Les hommes sont envoyés en première ligne sans préparation», explique-t-il dans une interview avec le politologue et journaliste ukrainien, Iouri Romanenko. «Les diabétiques, les personnes atteintes d'hépatite, de tuberculose – on leur met une kalachnikov rouillée dans les mains, puis on les envoie à Bakhmout», déplore-t-il. «Parfois, les plus jeunes de la troupe ont 53 ans et les plus âgés 59. La dernière fois qu'ils ont tenu une arme, c'était encore à l'époque soviétique».
«C'est absolument merdique»
Le soldat expérimenté critique également les processus de mobilisation actuels en Ukraine. Des troupes spéciales circulent dans tout le pays et demandent aux hommes en âge de servir de s'inscrire à des tests d'aptitude dans le centre de recrutement le plus proche. L'interprète de Blick, Sergeï Okischev, l'a également confirmé. Il doit lui-même s'y présenter.
Konstantin Proschinski a pu observer à plusieurs reprises ce phénomène de jeunes hommes inexpérimentés qui finissent pourtant directement au combat. «Mes collègues me disent qu'ils amènent des hommes au front, mais qu'ils reviennent sans eux», raconte le tireur d'élite. Selon lui, les commandants ne laissent pas suffisamment de temps aux nouveaux venus pour être correctement introduits à la stratégie de guerre.
«Au lieu d'élaborer une stratégie et d'attendre si nécessaire, ils se précipitent en avant sans réfléchir. Sans soutien et sans véhicules blindés. C'est absolument merdique». De plus, les troupes régulières ne seraient que trop rarement relevées. «Après six mois, nous sommes toujours dans une zone de guerre».
Cette situation est particulièrement dévastatrice pour les Ukrainiens car, selon lui, les militaires russes se sont améliorés. «Au début, ils attaquaient plus souvent de front et s'exposaient à de lourdes pertes. Désormais, ils attaquent par groupes de six à douze hommes, de manière plus efficace.»
30% des Ukrainiens veulent la fin de la guerre à tout prix
Le tireur d'élite craint que la Russie n'ait pas encore exploité tout son potentiel de combat. «Si vous me demandez mon avis personnel, je ne vois pour l'instant aucune chance de revenir aux frontières territoriales de 1991», dit-il.
Néanmoins, Konstantin Proschinski estime que l'Ukraine a déjà remporté une victoire décisive. «Je ne pense pas que l'objectif de Poutine était de conquérir des territoires. Il voulait détruire l'état de l'Ukraine, mais il n'y parviendra pas», estime le soldat. «Nous pouvons théoriquement perdre une partie de nos oblasts, nous devons y être préparés. Mais nous ne perdrons pas notre statut d'Etat, de pays.»
«Nous n'aurions aucun problème à céder des territoires»
Le journaliste Iouri Romanenko, qui interviewe le tireur d'élite, poursuit: «Nos leaders disent souvent que si, dans le cadre des négociations, les frontières sont fixées le long de la ligne de démarcation, il y aurait un soulèvement dans l'armée. Qu'en pensez-vous?» Konstantin Proschinski dresse le tableau suivant: «Je ne peux pas parler au nom de toute l'armée. Mais en ce qui me concerne, ainsi que les soldats qui servent avec moi, je peux dire que cela ne nous poserait absolument aucun problème».
En Ukraine, la lassitude de la guerre n'est pas encore un sentiment unanime et répandu. Selon un sondage, fin juillet, 30% des Ukrainiens étaient favorables à une fin rapide de la guerre à tout prix. Même si cela signifie ne plus pouvoir reconquérir certaines parties de l'Ukraine. C'est ce que rapporte le site d'information «Strana».
Pendant ce temps, le président ukrainien Volodymyr Zelensky ne cesse de souligner que «la reconquête de toute l'Ukraine, y compris la Crimée, reste un objectif de guerre». Depuis l'invasion de l'Ukraine, Poutine exige que le gouvernement de Kiev reconnaisse les régions de Lougansk, Zaporijjia, Kherson et Donetsk ainsi que la Crimée, annexée depuis neuf ans déjà, comme des parties de la Russie.