Troubles, inflation... et un an et demi de sanctions occidentales. L'économie russe souffre beaucoup de la guerre en Ukraine. Le rouble chute, les prix augmentent – et la population suffoque.
Igor Inkin, 63 ans et désormais à la retraite, renonce aux desserts et autres petits plaisirs de la vie. «Les prix dans les magasins augmentent et nous devons adapter nos dépenses», explique cet ancien entrepreneur à l'AFP. Il vit dans le centre de Moscou et commence à trouver cette évolution «inquiétante». Un an et demi de sanctions occidentales ajouté à la baisse des revenus pétroliers laisse des traces tenaces.
Le rouble s'affaiblit depuis des mois et a encore perdu de sa valeur à la suite du soulèvement des mercenaires de Wagner fin juin. Ce samedi, 113,5 roubles s'échangeaient contre un franc suisse et il en fallait 99,5 pour un dollar: c'est la valeur la plus basse depuis le printemps 2022. Et cela impacte directement le renchérissement des importations. L'augmentation de l'inflation a récemment incité la banque centrale russe à relever fortement son taux directeur.
Difficultés d'approvisionnement
Igor Inkin a déjà connu les hauts et les bas de l'économie de son pays: les pénuries de l'époque soviétique, le chaos du tournant de 1990 ou encore la crise économique de 1998 qui a englouti toutes les économies des Russes. Aujourd'hui, il a de nouveau du souci à se faire pour joindre les deux bouts: «Pour nous, les retraités, c'est particulièrement préoccupant.» Beaucoup d'entre eux travaillent encore à côté pour arrondir leurs fins de mois.
Le son de cloche n'est pas différent chez les plus jeunes. Dmitri Bobrow, 19 ans, travailleur indépendant dans le domaine de l'informatique, a du mal à se procurer les pièces nécessaires à son travail. «Les cartes graphiques, les processeurs... les prix ont nettement augmenté.» En raison des sanctions occidentales liées à la guerre en Ukraine, les entreprises russes n'arrivent plus à se procurer aussi facilement les produits dont elles ont besoin. Elles dépendent de ce que l'on appelle les importations parallèles – c'est-à-dire les importations via un autre pays.
Les Russes retirent leurs économies
Fjodor Tikhonov, 37 ans, qui travaille dans l'industrie cinématographique, le remarque aussi lorsqu'il achète des produits tout à fait banals. Autrefois, il pouvait acheter un dîner pour sa famille pour 1000 roubles. «Aujourd'hui, cela coûte 2000 roubles», peste-t-il en quittant une épicerie. Moscou doit «négocier» d'urgence les sanctions: «Ça ne peut pas durer éternellement.»
Signe de l'inquiétude des Russes? La ruée sur leurs économies. A la suite du soulèvement de Wagner, ils ont retiré un milliard de roubles (près de 9,4 millions d'euros) entre le 23 et le 25 juin, soit environ cinq fois plus que la moyenne normale sur trois jours.
«Que les gens soient patients»
«La chute du rouble était attendue, explique l'analyste Arnaud Dubien. Elle reflète le commerce extérieur.» En revanche, il est inhabituel que le rouble continue à s'affaiblir malgré la remontée des prix du pétrole, ajoute-t-il. Le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, assure que son pays survivra à ce marasme.
Les dirigeants russes voient dans les sanctions et le départ des entreprises occidentales une chance historique de renforcer les entreprises nationales, les produits «made in Russia» et la création de nouveaux emplois dans le pays. «Les gens devraient économiser, être patients et attendre que cela passe», déclare Xenia Suschkova, une étudiante de 18 ans. Il s'agit d'être «indépendant», de ne pas dépendre d'autres pays.
(Blick avec AFP)