Dans la nuit de lundi à mardi, Israël a lancé une offensive terrestre contre le Hezbollah dans le sud du Liban. La situation au Proche-Orient a ainsi atteint un nouveau niveau d'escalade. Une troisième guerre du Liban a commencé. Le lendemain, c'est l'Iran qui a lancé une attaque sur Israël, envoyant plus de 180 missiles sur l'Etat hébreu.
Erich Gysling, expert du Proche-Orient, a été rédacteur en chef de la télévision suisse et est cofondateur de «Rundschau». Il a effectué de nombreux voyages dans les pays arabes et est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment «Krisenherd Nahost» (Le Moyen-Orient, un foyer de crise). Il a vécu de près les deux précédentes guerres du Liban, en 1982 et en 2006, en tant que correspondant et commentateur.
Pour Blick, Erich Gysling explique pourquoi il s'attend à une longue guerre et comment elle pourrait se poursuivre.
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Erich Gysling, l'Iran a attaqué Israël mardi soir avec des centaines de missiles. Est-ce le début d'une attaque iranienne de plus grande ampleur?
C'est en tout cas le signe que les Gardiens de la Révolution se sont imposés au sein de l'appareil du pouvoir iranien. Je pense toutefois qu'il s'agit d'une action symbolique. Israël a pu intercepter la plupart des missiles. C'est une action très similaire à celle d'avril dernier, lorsque l'Iran avait déjà lancé des drones et des missiles sur Israël.
Dans la nuit de lundi à mardi, Israël a assuré avoir lancé une offensive terrestre au Liban. Cela vous a-t-il surpris?
Non, cela ne m'a pas surpris. Les Israéliens l'avaient annoncé depuis plusieurs jours. Et ils avaient déjà déplacé les troupes vers les frontières.
L'armée israélienne parle de frappes «limitées» sur des cibles proches de la frontière. Va-t-on en rester là? Ou vous attendez-vous à une grande guerre?
Je pense qu'il y aura une longue guerre. Lorsque les Israéliens sont entrés dans la bande de Gaza après l'attentat terroriste du Hamas du 7 octobre 2023, ils ont supposé que la campagne serait courte. Il en a été tout autrement. Au Liban, la situation est beaucoup plus difficile parce que le terrain est coupé. Il y a beaucoup de collines avec des villages plus ou moins grands. C'est un terrain très difficile pour tout attaquant. Pour le défenseur, c'est comparativement facile. L'armée israélienne se met donc dans une situation très délicate lorsqu'elle entre au Sud-Liban.
L'invasion terrestre dans la bande de Gaza a placé l'armée israélienne devant de grands défis. La situation ne sera-t-elle donc pas plus facile au Liban?
La situation est clairement plus difficile que dans la bande de Gaza. D'une part en raison du terrain, d'autre part en raison de l'entraînement des combattants du Hezbollah.
Quelle est la force de la milice du Hezbollah après les attaques des bipeurs et des talkies-walkies?
Le gros des combattants est toujours là, même si quelques milliers ont été éliminés. On estime que le Hezbollah compte environ 40'000 à 50'000 combattants, relativement bien entraînés. Ce sont des adversaires redoutables. On le voit aussi aux attaques qui continuent aujourd'hui avec des missiles tirés depuis le Liban.
Dans quelle mesure le Hezbollah a-t-il été affaibli par l'élimination de ses dirigeants?
Nous ne savons pas tout, il y a beaucoup de spéculations à ce sujet. Mais dans toutes ces organisations de guérilla, lorsque la couche supérieure est éliminée, la couche suivante se développe assez rapidement. Ce que l'on ne peut pas évaluer, c'est la qualité de la communication entre eux.
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Israël peut-il éliminer le Hezbollah avec des troupes au sol?
Théoriquement, c'est possible. Quant à savoir si c'est possible en pratique, on peut en douter. Comme dans la bande de Gaza, il y a aussi un système de tunnels au Sud-Liban, et ce, dans un terrain accidenté. C'est pourquoi je ne suis pas convaincu qu'Israël puisse atteindre cet objectif.
Israël pourrait-il au moins repousser le Hezbollah, de sorte que le nord d'Israël devienne plus sûr?
Oui, ce n'est pas totalement irréaliste. Mais en fin de compte, une situation plus stable ne se crée que par des négociations. Si la situation reste en suspens, il est certain que même si le Hezbollah se retire temporairement, des positions de missiles seront à nouveau installées au Sud-Liban au bout d'un certain temps. Et ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que 60'000 à 70'000 Israéliens ont été déplacés à l'intérieur du pays et qu'un nombre à peu près équivalent de Libanais ont dû quitter leurs maisons.
Le conseiller national socialiste Fabian Molina critique l'invasion israélienne du Liban, la qualifiant d'illégale et de «violation totale de la résolution 1701» du Conseil de sécurité de l'ONU. Comment jugez-vous cela?
La résolution n'a jamais été respectée par les deux parties. Les membres du Hezbollah ont maintenu leurs positions loin au sud, jusqu'à la frontière. Et Israël avait également ses soldats et ses troupes là-bas. Le retrait des troupes prévu des deux côtés n'a jamais eu lieu. Si l'on veut attribuer des fautes, il faut les répartir entre les deux parties.
La résolution 1701 a été adoptée à la fin de la deuxième guerre du Liban en 2006. Israël avait alors combattu le Hezbollah pendant 34 jours, mais avait finalement dû se retirer. Quelles erreurs Israël a-t-il commises à l'époque?
On ne peut pas dire qu'Israël ait commis des erreurs, mais la situation n'était tout simplement pas tenable. La guerre a fait trop de victimes du côté israélien. Par conséquent, ils ont essayé de se retenir – en espérant que le Hezbollah se retire également. Cela a à peu près bien fonctionné pendant 17 ans, jusqu'au début de la guerre de Gaza.
Comment l'invasion actuelle pourrait-elle se terminer?
Je ne suis pas prophète, je ne peux tout simplement pas le dire. Et je pense que personne ne le peut. Lorsque le conflit a commencé dans la bande de Gaza, personne ne savait non plus qu'il durerait des mois, bientôt un an.
Si Israël arrive à ses fins au Liban, est-ce qu'il mènera une attaque contre le programme nucléaire iranien?
Je ne le pense pas. Israël veut que les Iraniens comprennent que leur soutien au Hezbollah et à d'autres milices n'a aucun sens. Les Iraniens doivent être mis à genoux par des sanctions internationales. Les Israéliens ne veulent pas d'une guerre directe.