Quand certains dirigeants sulfureux veulent faire passer leur message, Tucker Carlson est là. Le présentateur américain conservateur, que Fox News a mis à la porte, a annoncé qu'il interviewerait le président russe Vladimir Poutine – et qu'il diffuserait l'entretien sur la plate-forme X. Il s'agirait de la première interview d'un journaliste occidental avec le dirigeant russe depuis le début de la guerre il y a près de deux ans. On ne sait pas encore quand elle sera publiée.
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De nombreux journalistes ont vu leurs demandes rejetées. Pourquoi Vladimir Poutine a-t-il donc accepté de rencontrer Tucker Carlson? Mykola Makhortykh, chercheur ukrainien à l'université de Berne, explique: «Le Kremlin a choisi Tucker Carlson parce qu'il a abandonné depuis longtemps l'objectivité et qu'à la place, il suit un agenda politique bien précis.» Selon lui, Moscou n'est pas intéressé par une véritable confrontation avec la presse occidentale. «Au contraire, la Russie sélectionne minutieusement les journalistes, nationaux comme étrangers», affirme Mykola Makhortykh.
Tucker Carlson, dont l'arrière-arrière-grand-père avait émigré de Suisse aux États-Unis en 1860, s'est surtout fait connaître en interviewant régulièrement Donald Trump pendant sa présidence et en faisant de la propagande pour l'ancien homme d'affaires. L'amitié entre les deux hommes va si loin que Trump pourrait le nommer vice-président en cas de succès électoral en novembre.
Fake news sur la Suisse
Roi de l'audimat, Tucker Carlson a pu diffuser pendant des années sur Fox News de nombreuses théories du complot. Près de trois millions d'Américains le regardaient chaque soir. Il a qualifié l'assaut du Capitole du 6 janvier 2021 d'action orchestrée par le FBI. Lorsque les Russes ont envahi l'Ukraine, il s'est emporté contre le gouvernement ukrainien: «Nous prenons la défense d'un régime qui arrête ses opposants politiques et coupe les médias d'opposition. Quel est l'enjeu?»
Au cours de la guerre, il a répandu d'autres fausses informations – comme celle selon laquelle l'Ukraine exploitait des laboratoires d'armes biologiques avec l'aide des États-Unis. Il a également fait de notre pays un sujet de discussion. Il avait demandé à une commentatrice d'évoquer de prétendus achats immobiliers effectués par des politiciens ukrainiens en Suisse. Les extraits du registre foncier présentés se sont avérés être des faux.
Un impact non négligeable
Ses interviews avec des hommes politiques controversés comme le Premier ministre hongrois Viktor Orbán ou le président argentin Javier Milei sont flatteuses. Son entretien avec Vladimir Poutine devrait être du même acabit: «Je m'attends à ce que nous n'entendions rien de nouveau. Car Vladimir Poutine n'est pas devenu plus inventif au fil du temps, notamment en ce qui concerne la justification de la guerre contre l'Ukraine» annonce Mykola Makhortykh.
Tucker Carlson a été licencié de Fox News il y a tout juste un an, après que la chaîne a accepté de payer plus de 787 millions de dollars de dommages et intérêts à Dominion Voting Systems. La chaîne souhaitait ainsi régler le litige qui l'opposait au fabricant de machines à voter pour avoir diffusé de fausses allégations concernant les élections présidentielles américaines de 2020.
Selon les médias, l'éviction de ce présentateur phare a été motivée par le fait que sa propagande sur le Kremlin était devenue trop forte, même pour Rupert Murdoch, le patron de Fox News à l'époque. Depuis, le présentateur diffuse ses théories – comme celle selon laquelle l'armée américaine aurait retrouvé un équipage d'OVNI mort – sur X.
Selon Mykola Makhortykh, l'interview de Tucker Carlson montre la grande peur de Poutine face au journalisme indépendant. Si l'on considère que le journaliste a encore de nombreux partisans, il ne faut pas sous-estimer son effet positif pour Trump aux États-Unis. Mykola Makhortykh analyse: «En mettant Vladimir Poutine et ses fake news sur la guerre sous les feux de la rampe, il peut présenter les efforts de Joe Biden comme nuisibles pour les États-Unis.»