«Sleepy Joe» a-t-il réussi son coup?
Pourquoi le retrait tardif de Biden est en train de faire vaciller Trump

Le retrait tardif de Biden a mis Trump dans une situation inattendue. Face à Kamala Harris, au plus haut dans les sondages, il doit réorganiser sa campagne électorale. Un spécialiste des Etats-Unis explique quelles sont les chances de Trump à l'heure actuelle.
Publié: 25.07.2024 à 06:03 heures
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Dernière mise à jour: 25.07.2024 à 16:45 heures
Donald Trump est en colère. Il doit adapter sa campagne électorale.
Photo: Getty Images
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Guido Felder

Face à la faiblesse supposée de sa nouvelle adversaire, la vice-présidente Kamala Harris, Donald Trump aurait dû se réjouir que le président américain Joe Biden abandonne la campagne électorale. Mais il n'en est rien! Donald Trump a plutôt fulminé lorsque son rival de 81 ans a annoncé son retrait. Motif d’une telle colère? Le fait que son équipe avait investi du temps et de l’argent dans «la lutte contre Joe Biden, le tricheur». Pour Donald Trump, les choses sont claires: «Nous devons désormais repartir à zéro.»

Le candidat républicain à la Maison-Blanche a toutes les raisons d’être en colère. Joe Biden a-t-il délibérément retardé son retrait aussi longtemps pour le déstabiliser?

Jusqu’à présent, Donald Trump se croyait sûr de sa victoire parce qu’il avait le dessus dans les sondages et les duels télévisés sur «Sleepy Joe», comme il aime surnommer son désormais ex-adversaire. La victoire semblait en effet promise à Trump. D’autant plus depuis que la convention du parti l’avait approuvé et avait également validé le ticket avec le Running Mate J.D. Vance.

Les critiques ne fonctionnent pas

La campagne a finalement pris le tournant que l’on sait. Au lieu d’un vieil homme confus, l’ancien président a en face de lui une candidate pleine d’énergie qui, en tant qu’ancienne procureure de Californie, s’est déjà souvent frottée à des hommes endurcis.

Certes, Trump et ses partisans républicains s’en prennent déjà violemment à elle: ils lui reprochent une politique migratoire déplorable, sa stupidité, l’augmentation des prix ainsi qu’un «rire de fou». De plus, elle ne serait qu’une femme «alibi» qui ne serait devenue vice-présidente et candidate à la présidence que parce qu’elle est une femme et qu’elle a la peau noire.

Mais la critique n’atteint pas encore sa cible et reste apparemment inaudible pour la plupart des électeurs. Dans le premier sondage réalisé par Reuters/Ipsos depuis le retrait de Biden, Kamala Harris devance Trump de deux points avec 44 points de pourcentage. Dans le sondage d’il y a une semaine, les deux étaient à égalité avec 44 points chacun.

Le mauvais vice-président?

Depuis la communication de Joe Biden, les alliés de Trump doutent du choix du candidat à la vice-présidence de Trump, J.D. Vance, rapporte le journal de Washington «The Atlantic». Car ce dernier défend parfois des positions encore plus radicales que celles de Trump. Cela le rend certes populaire dans le camp conservateur, mais avec Kamala Harris comme adversaire, Trump devrait, d’un point de vue stratégique, désigner un ou une vice-président(e) capable de récolter le plus de voix possible dans le camp adverse ou indécis. Mais peut-il seulement changer de colistier? Ce n’est plus possible après la convention du parti républicain.

Enfin, Trump doit désormais faire face à la critique même avec laquelle les républicains avaient tiré à boulets rouges sur Biden: son âge! Le gouverneur démocrate Jared Polis a déjà retourné l’attaque et s’en est pris à Trump: «L’autre camp a un candidat qui peut à peine sortir une phrase. Il va vers les 80 ans. Il nous ramène au passé.»

Car Trump n’est pas non plus à l’abri des gaffes. Ainsi, il a déjà inversé des villes lors de discours, a confondu Viktor Orbán avec Erdogan ainsi que son ennemie démocrate Nancy Pelosi avec la républicaine Nikki Haley, de 34 ans sa cadette.

Trump pris à contre-pied

Philipp Adorf, spécialiste des Etats-Unis à l’université de Bonn, confirme que le retrait de Biden a pris Trump à contre-pied: «Les premiers commentaires républicains ont montré que l’on était manifestement peu préparé à la candidature de Harris et que l’on n’apporte que peu d’arguments substantiels contre elle.» Par-dessus tout, la candidature de Kamala Harris fait tomber l’argument central de la campagne républicaine, à savoir l’incompétence due à un âge avancé.

Philipp Adorf ne croit toutefois pas que Joe Biden ait délibérément retardé son retrait aussi longtemps. «Si c’était le cas, cette décision aurait été annoncée le jour même du discours de Trump, afin de détourner également l’attention.»

Donald Trump va riposter

L’expert qualifie par ailleurs les derniers sondages favorables à Harris de «hausse considérable de l’enthousiasme à court terme». Bientôt, les thèmes décisifs pour les élections, comme la politique économique et migratoire, reviendront au centre des préoccupations et poseront des problèmes à Kamala Harris. De plus, les républicains pourraient reprocher à la démocrate d’être une représentante de l’establishment libéral et de la gauche «woke».

Philipp Adorf estime que «certaines caractéristiques de Harris pourraient même faire le jeu des stratèges républicains». En d’autres termes, ce n’est qu’une question de temps avant que Trump ne se reprenne et ne fasse vaciller Kamala Harris avec de nouvelles attaques.

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