Les autorités d'occupation russes de la région de Kherson ont indiqué mercredi que les évacuations de civils – elles prévoient d'en déplacer «50'000 à 60'000» en quelques jours – avaient débuté. «Le transfert organisé des habitants vers l'autre rive du (fleuve) Dniepr a commencé à Kherson», a indiqué sur Telegram l'administration d'occupation de la ville d'Olechky, à l'est de Kherson.
Le chef de cette administration, Vladimir Saldo, a indiqué sur la chaîne de télévision Rossiya 24 qu'elle évacuait la ville face à l'avancée des troupes ukrainiennes, tout en assurant que l'armée russe allait combattre sur place «jusqu'à la mort». Selon un responsable prorusse, Evguéni Melnikov, cité par l'agence Ria-Novosti, les évacués pourront se rendre en Russie. La chaîne russe Rossiya 24 a diffusé un reportage en montrant des personnes prenant place à bord de ferrys pour traverser le fleuve.
L'armée russe dans une situation difficile
Le général russe Sergueï Sourovikine, chargé des opérations en Ukraine depuis 10 jours, avait affirmé mardi sur la chaîne Rossiya 24 que l'armée russe allait «assurer avant tout l'évacuation sécurisée de la population» de Kherson, sans autre indication. Capitale de la région du même nom occupée par la Russie depuis le printemps et annexée en septembre, cette ville est actuellement visée par des frappes ukrainiennes sur ses «infrastructures sociales, économiques et industrielles», avait-il relevé. Cela entraîne des perturbations dans l'approvisionnement en électricité, eau et nourriture et représente une «menace directe pour la vie des habitants».
«Les actions ultérieures concernant la ville de Kherson elle-même vont dépendre de la situation militaire», a-t-il poursuivi, ajoutant sans autre précision «ne pas exclure une prise de décision très difficile».
Vladimir Saldo a précisé que l'évacuation vers la rive gauche du Dniepr de la population de plusieurs localités permettra à l'armée russe d'installer des «constructions défensives d'ampleur» face à une «vaste contre-offensive» ukrainienne. L'armée russe, qui a envahi l'Ukraine le 24 février, est mise à mal de toutes parts. Si elle est «très difficile» à Kherson, «la situation dans la zone de l'opération militaire spéciale peut être qualifiée de tendue. L'ennemi n'abandonne pas ses tentatives d'attaques sur les positions des troupes russes», a déclaré le général. «Le régime ukrainien cherche à percer notre défense» en réunissant «toutes ses réserves» pour la contre-offensive dans le sud et l'est.
La Russie n'a pas pour autant perdu de son mordant: elle a de nouveau bombardé mardi «le commandement militaire et les systèmes énergétiques de l'Ukraine», a annoncé le ministère russe de la Défense, assurant que «toutes les cibles (avaient) été touchées» grâce à des armes de précision et de longue portée non identifiées.
Des attaques meurtrières
Selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, «depuis le 10 octobre, 30% des centrales électriques ukrainiennes ont été détruites, provoquant des pannes massives dans tout le pays» à l'approche de l'hiver. «La situation est maintenant critique», a ajouté un conseiller de la présidence, demandant que l'Ukraine «se prépare» à de possibles «pannes d'électricité, d'eau et de chauffage». Au total, plus d'un millier de localités restaient «privées d'électricité» mardi soir, selon le service ukrainien des situations d'urgence.
Des frappes menées par des drones kamikazes avaient déjà provoqué lundi des coupures de courant dans trois régions, faisant au moins neuf morts. Le 10 octobre, des bombardements russes d'une ampleur inégalée depuis des mois, également sur des infrastructures énergétiques, avaient fait au moins 19 morts et 105 blessés. Les alliés occidentaux de Kiev avaient alors promis davantage de systèmes de défense antiaérienne, dont certains ont déjà été livrés.
L'utilisation par Moscou de drones iraniens, selon Kiev, a par ailleurs été étayée mardi: l'armée russe a envoyé au cours «des dernières 24 heures» 43 drones «Shahed-136 de fabrication iranienne», dont «38 ont été abattus par des soldats ukrainiens», a affirmé l'état-major des forces ukrainiennes. Cet «appel à l'aide» à l'Iran est «la reconnaissance par le Kremlin de sa faillite militaire et politique», a raillé dans la soirée Volodymyr Zelensky, qui a réitéré son refus de négocier avec son homologue russe Vladimir Poutine.
«Nous n'avons pas de telles informations», a répondu le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, interrogé par un journaliste sur l'utilisation de drones iraniens par Moscou en Ukraine. «De la technologie russe est utilisée, avec des noms russes».
Infrastructures essentielles touchées
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a proposé mardi à Volodymyr Zelensky de rompre les relations diplomatiques avec l'Iran. Téhéran a répété n'avoir «exporté d'armes vers aucune des parties en guerre», tandis que Washington a menacé de sanctionner les entreprises ou les Etats collaborant au programme iranien de drones.
Les nouvelles frappes russes ont touché mardi de nombreuses villes d'Ukraine, aussi bien la capitale Kiev que Mykolaïv (sud), Dnipro (centre-est), Kharkiv (nord-est) ou Jytomyr (à l'ouest de Kiev). Elles ont fait au moins trois morts. Les Russes «attaquent des infrastructures essentielles (...) dont les gens ont besoin dans leur vie quotidienne et qui ne sont pas des cibles militaires», a dénoncé le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, estimant que c'était «un signe de désespoir de la part de la Russie».
L'armée russe est sur la défensive sur l'essentiel du front en Ukraine, reculant depuis septembre aussi bien dans le nord que l'est et le sud. Le seul tronçon où elle avance encore est près de la ville de Bakhmout (est), qu'elle tente de prendre depuis l'été. La mobilisation partielle de centaines de milliers de réservistes russes, décidée par Vladimir Poutine après ses lourdes pertes, n'est pas «pour le moment» achevée, a fait savoir le Kremlin.
Kiev a par ailleurs dénoncé «l'inaction» du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour aider ses soldats prisonniers auxquels l'organisation n'a pas encore pu rendre visite. Et de dénoncer le fait que ses «prisonniers de guerre et otages civils soient quotidiennement torturés par la faim, par des électrocutions».
(ATS)