Sergueï Choïgou, le ministre russe de la Défense, a souvent porté le chapeau pour tout ce qui touche à la guerre contre l'Ukraine. Il a été tenu pour responsable de la lenteur de l'invasion et des près de 350'000 morts et blessés côté russe. Sergueï Choïgou, en poste depuis douze ans, était par ailleurs considéré comme corrompu et très impopulaire au sein des forces armées.
Vladimir Poutine a désormais tiré un trait sur le nom Choïgou, pour reconnaître Andreï Belooussov en qualité de vice-chef du gouvernement et économiste. L'ex-ministre russe de la Défense récupère, lui, le poste de secrétaire du Conseil de sécurité russe. Ce remplacement à la tête de la machine militaire russe n'est pas de bon augure, car avec Andreï Belooussov au ministère de la Défense, la Russie devrait se montrer encore plus agressive en Ukraine et vis-à-vis de l'Occident.
L'Institute for the Study of War met en garde: «Ce remaniement de haut niveau à la suite des élections présidentielles russes suggère que Vladimir Poutine prend des mesures significatives pour mobiliser l'économie et l'industrie de la défense russes afin de soutenir une guerre prolongée en Ukraine et éventuellement se préparer à une future confrontation avec l'OTAN.»
Des attaques hybrides contre l'Occident
Il y a quelques jours, l'OTAN a mis en garde contre une menace hybride qui serait intensifiée contre l'Occident: «Les incidents en Allemagne, comme l'arrestation de deux agents russes en Bavière, font partie d'une phase test. Durant celle-ci, le Kremlin veut voir comment l'Occident réagit à de telles attaques et s'il peut les gérer» a ainsi déclaré Ralph D. Thiele, président de la société politico-militaire allemande et président d'EuroDefense Allemagne.
Selon l'expert, le fait qu'un économiste devienne ministre russe de la Défense est une brillante manœuvre de Vladimir Poutine: «Alors que nous comptons encore les Léopards et les Taurus, il va, dans l'ombre et sans que nous le sachions, modifier les chaînes de création de valeur et déplacer les rapports de force géopolitiques.»
Par ailleurs, la Russie préside cette année l'association des BRICS, laquelle comprend des membres historiques comme le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, mais aussi désormais l'Égypte, l'Éthiopie, l'Iran et les Émirats arabes unis depuis 2024. Soit 45% de la population mondiale!
Purifier l'armée et stimuler l'armement
La nomination d'Andreï Belooussov au poste de ministre de la Défense doit également offrir plus d'efficacité à l'armée russe. L'occasion de mettre un terme à la corruption, aux gaspillages budgétaires ainsi qu'aux conflits internes qui paralysaient l'ensemble de l'appareil militaire. Son expérience d'ancien ministre et conseiller économique, de même que son poste de chef de projets d'innovation et de drones, ont fait d'Andreï Belooussov l'homme de la situation... et du grand ménage. «Aujourd'hui, celui qui gagne sur le champ de bataille est celui qui est plus ouvert aux innovations et à leur mise en œuvre», a renchéri Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin.
Ulrich Schmid, expert de la Russie à l'université de Saint-Gall, est formel: «Le problème de Poutine, en ce qui concerne le ministère de la Défense, c'est que les responsables les plus loyaux ont des performances militaires lamentables, tandis que les généraux efficaces et qui deviennent ministres ne sont pas fiables politiquement.»
Andreï Beloussov est, lui, considéré comme un farouche partisan et un soutien loyal de Vladimir Poutine. Tous deux partagent les mêmes rêves néo-impériaux: «Il veillera à ce que l'industrie de l'armement reçoive davantage d'investissements de l'Etat et mettra probablement en place une économie de guerre à long terme, dans laquelle les entreprises civiles devront également s'orienter vers les besoins de l'armée», prévient Ulrich Schmid.
Et les experts sont unanimes: le choix stratégique de Vladimir Poutine pour le ministère de la Défense va encore aggraver la situation. Le président lituanien Gitanas Nauseda a même déclaré: «Tout a été fait pour poursuivre cette guerre. Ne nous faisons pas d'illusions que Poutine est prêt à des négociations pacifiques.»