Longtemps perçues comme marginales ou comme un stratagème de l'industrie pour éviter de réduire ses émissions, les mesures d'élimination du dioxyde de carbone (EDC) sont désormais un outil nécessaire, selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). «C'est le premier rapport du GIEC à affirmer clairement que l'élimination du CO2 est nécessaire pour atteindre nos objectifs climatiques», a souligné Steve Smith, à la tête de l'initiative Oxford Net Zero, à l'Université d'Oxford.
L'accord de Paris appelle à limiter le réchauffement en dessous de 2°C, voire 1,5°C, par rapport à la seconde moitié du 19e siècle. Selon les scénarios les plus ambitieux en matière de réduction des émissions, plusieurs milliards de tonnes de CO2 devront être extraites chaque année de l'atmosphère d'ici 2050 - à comparer aux émissions actuelles d'environ 40 milliards de tonnes par an.
Cela pourra servir aux secteurs où les émissions seront difficiles à réduire, comme les transports aérien et maritime, ou le ciment. Ou à refroidir l'atmosphère si les limites de l'accord de Paris sont dépassées.
Dans une étude publiée mi-mars, le cabinet norvégien de recherche énergétique Rystad Energy estimait que le marché des équipements de captage et stockage du CO2 quadruplerait entre 2022 et 2025, pour atteindre en cumulé plus de 50 milliards de dollars en 2025.
Croître, brûler et enterrer
Il existe différentes méthodes pour réaliser ces «émissions négatives».
Tous les modèles du GIEC réservent une part importante à la technique de bioénergie avec captage et stockage du dioxyde de carbone, qui consiste à faire pousser des arbres qui absorbent du CO2 pendant leur croissance, puis de les brûler afin de produire de l'énergie (biomasse) et d'enterrer le CO2 issu de cette combustion, dans des mines abandonnées par exemple.
D'ici 2050, cela permettrait d'éliminer un peu moins de 3 milliards de tonnes de CO2.
Pour un résultat du même ordre de grandeur, une autre solution est de restaurer des forêts et de planter des arbres pour absorber et stocker le CO2, par la photosynthèse. Mais ce qui fonctionne sur le papier ne se matérialise pas encore.
Un des rares projets de bioénergie avec captage développés à l'échelle commerciale dans le monde, au Royaume-Uni, a été retiré de l'indice boursier S&P Énergie Propre après avoir échoué aux critères de durabilité.
La superficie nécessaire pour réduire significativement les niveaux de CO2 par la plantation d'arbres - jusqu'à deux fois la taille de l'Inde - pourrait peser sur les cultures destinées à l'alimentation ou la biodiversité.
Systèmes de compensation
Technologie la plus récente, le captage direct du CO2 dans l'air et son stockage, via des procédés chimiques, attise aussi les intérêts.
La société suisse Climeworks, un des leaders du secteur, a annoncé mardi avoir levé 650 millions de dollars, au lendemain de la publication du rapport du GIEC.
Mais le potentiel pour des projets d'envergure reste à prouver: les installations de Climeworks en Islande - les plus grandes au monde - éliminent en un an ce que l'humanité émet en trois ou quatre secondes.
D'autres techniques d'EDC sont à des stades variés d'expérimentation et de développement: amélioration de la capacité des sols à piéger le carbone, conversion de la biomasse en une substance ressemblant à du charbon de bois appelée biochar, restauration des tourbières et des zones humides côtières, ou encore la «météorisation augmentée», à savoir le broyage de roches riches en minéraux qui absorbent le CO2 pour les répandre sur terre ou en mer.
Les océans, eux, absorbent déjà plus de 30% des émissions de carbone de l'humanité, et les scientifiques expérimentent des moyens d'accroître cette capacité, par exemple en renforçant artificiellement l'alcalinité marine ou en «fertilisant» les océans, c'est-à-dire en augmentant la densité du phytoplancton qui produit et séquestre le carbone organique par photosynthèse.
(AFP)