Gulnaz Partschefeld connaît très bien le fonctionnement de la machine de propagande du Kremlin. La Russe a elle-même travaillé jusqu'en 2006 comme présentatrice du journal télévisé pour la société nationale de télévision et de radio du pays. Elle vit aujourd'hui en Suisse et enseigne l'histoire culturelle russe à l'Université de Saint-Gall.
L'ex-animatrice invite les représentants occidentaux à la plus grande prudence dans les négociations qui s'ouvrent avec Vladimir Poutine. Elle nous explique notamment le piège que le chef du Kremlin est en train de tendre à ses interlocuteurs. Le fait que le président russe, dans une première prise de position jeudi, se soit exprimé de manière positive sur la proposition de cessez-le-feu américano-ukrainienne n'est que de la poudre aux yeux, selon Gulnaz Partschefeld.
«La Russie n'est pas prête à un véritable cessez-le-feu tant qu'elle se trouve militairement à l'offensive et qu'elle peut continuer à gagner du terrain». C'est précisément ce que les Russes ont récemment réussi à faire dans la région de Koursk, occupée par les Ukrainiens.
La «finesse» de Poutine
Sa réponse «oui, mais» à l'offre de cessez-le-feu de jeudi aurait une double fonction. D'une part, elle serait un refus joliment emballé, formulé de manière à ne pas trop irriter les Américains. D'un autre côté, elle met l'Ukraine sur la défensive. Les conditions de Poutine, comme la fin des livraisons d'armes occidentales ou l'arrêt de la mobilisation ukrainienne, ouvrent la voie à une invasion encore plus brutale que précédemment. «En insistant sur ces exigences, il tente de forcer la capitulation de l'Ukraine. Une vieille astuce tout droit sortie des manuels du KGB.»
«Le fait que Poutine ait recours à cette stratégie montre qu'il est loin d'avoir épuisé tous ses moyens et qu'il continue à miser sur une solution militaire», affirme Gulnaz Partschefeld. Aux yeux de Poutine, l'Ukraine, en raison de ses pertes cuisantes, et les Etats-Unis, en raison de la promesse de Trump d'une solution rapide, sont sous une pression bien plus forte que ne l'est Moscou. Pourquoi donc céderait-il maintenant alors que tout se passe sous les meilleurs auspices?
Le fait que l'Ukraine soit prête à une capitulation inconditionnelle est interprété comme une faiblesse par la télévision d'Etat russe, là où l'on présente les hésitations de Poutine comme une «finesse tactique», observe l'académicienne. «Le message est clair: la Russie va tenir ses positions, contrairement à l'Ukraine qui, sous la pression, fait déjà de grandes concessions».
Négocier ou imposer?
Quiconque négocie avec Poutine doit se tenir prêt. «Après trois ans de guerre, on ne pourra plus faire céder la Russie par des pertes économiques ou militaires, mais seulement par une menace concrète pour le maintien au pouvoir de Vladimir Poutine», souligne Gulnaz Partschefeld. En d'autres termes, ce n'est que lorsque Poutine sera soumis à une pression politique chez lui, dans son pays, qu'il pourra y avoir des négociations crédibles. Cela pourrait se produire si un jour l'armée ukrainienne reprend du poil de la bête sur le champ de bataille.
C'est ce qu'a fait l'Ukraine en opposant un refus catégorique à la demande russe de reconnaître les régions annexées de Donetsk, Lougansk, Zaporijjia et Kherson comme des territoires russes. Mais Donald Trump n'a jusqu'à présent pas tracé de lignes rouges vis-à-vis de Moscou. En attendant, le chef du Kremlin peut continuer, tranquillement, à se frotter les mains.