La peur s’est installée dans les régions touchées par le séisme du 28 mars, en Birmanie et en Thaïlande. Peur que la terre tremble à nouveau après la secousse initiale d’une magnitude de 7,7, alors que tous les experts prédisent des répliques, a priori moins fortes, mais au potentiel ravageur.
Peur, surtout, de faire face à un bilan humain et matériel bien plus élevé que le chiffre de 1600 morts avancé jusque-là par les autorités du Myanmar – le nom officiel de la Birmanie, au vu de l’ampleur des destructions et du nombre de disparus, mais aussi compte tenu des difficultés d’accès dans de nombreuses zones de ce pays en proie à la guerre civile depuis le coup d’Etat militaire de 2021.
Peur sur Bangkok
La peur plane aussi sur Bangkok, la capitale thaïlandaise où la secousse a été fortement ressentie vendredi, entraînant l’écroulement d’un gratte-ciel de trente étages en construction, qui devait abriter des services du gouvernement, au nord de la ville. Qu’adviendra-t-il de cette forêt d’immeubles de plusieurs dizaines d’étages, où des piscines sont souvent construites en altitude, si une réplique plus intense que prévu intervient dans les heures ou les jours à venir?
Depuis 48 heures, les équipes de secours s’activent pour tenter de retrouver la quarantaine d’ouvriers de la construction portés disparus dans les décombres de l’immeuble écroulé, dont les images ont fait le tour du monde. Tragique ironie: la plupart de ces employés de chantier sont des Birmans, dont une partie du pays est dévastée.
Peur des gratte-ciel lézardés
Peut-on faire confiance aux immeubles endommagés par le tremblement de terre? Quelles conséquences tirer des failles et des lézardes constatées sur de nombreuses constructions depuis deux jours? Est-il possible de reprendre sans danger les ascenseurs qui vous propulsent à des dizaines d’étages de hauteur? Le maintien de l'état d'urgence dans la capitale thaïlandaise, et la décision de procéder à de nombreuses inspections des bâtiments touchés par le séisme, que les images ont parfois montré en train d’osciller dangereusement, laissent planer un suspense inquiétant sur cette mégapole construite sur des terres marécageuses et connue pour s’enfoncer dans le sol un peu plus chaque année.
Point important: ce tremblement de terre dont l’épicentre s’est trouvé à Sagaing, au centre de la Birmanie et à plus de mille kilomètres de Bangkok, résulte d’un choc de plaques tectoniques survenu dans une faille connue des services géologiques, à environ dix kilomètres de profondeur, soit presque «superficielle» pour les experts. Conséquence: une diffusion très large des zones meurtrières et dévastatrices, et la possibilité d’une réplique de forte intensité.
Accès impossible
Peur et angoisse surtout en Birmanie où l’arrivée des premiers secours, en provenance de Chine et d’Inde notamment, n’est pas encore visible sur le terrain, dans les régions de Mandalay ou de Sagaing, où de nombreux bâtiments se sont écroulés en quelques secondes. Déjà, le chiffre d’une dizaine de milliers de morts potentiels circule, et quantité de villages ou de villes moyennes restent difficiles d’accès, alors que les moyens lourds manquent pour déblayer les ruines et tenter d’accéder aux survivants.
Le rare appel à l’aide internationale lancé par la junte militaire au pouvoir depuis le putsch de février 2021 est, pour l’heure, une ouverture de façade. La liberté de circulation des humanitaires internationaux est loin d’être acquise. Or, dans cette période de fortes chaleurs, propice à la déshydratation, le temps presse encore plus pour accéder aux survivants et leur faire parvenir de l’eau s’ils sont accessibles. La question des sanctions internationales décrétées après le coup d’Etat militaire se pose aussi. L’Union européenne et la Suisse – qui appliquent ces sanctions et ont proposé leur aide humanitaire – sont directement concernées.
Peur dans les hôpitaux
Peur dans les hôpitaux birmans enfin, complètement débordés par l’afflux de patients estropiés ou blessés. Pour l’heure, aucun hôpital de campagne n’a été installé. Les hôpitaux de Mandalay, l’ex-capitale royale très endommagée, et ceux de Naypydaw, la capitale officielle construite dans les années 2000, sont débordés. Yangon, la capitale économique de la Birmanie, subit toujours d’importantes pannes d’électricité. Les réseaux de télécommunications sont souvent coupés. Plusieurs ponts se sont effondrés dans ce pays traversé de rivières, où des zones entières sont tenues par les insurgés.
Comment l’aide parviendra-t-elle dans ces régions aux mains des groupes ethniques rebelles et les forces démocratiques opposées à la junte? Une autre peur s’ajoute à celle des répliques du séisme: la peur de voir l’armée profiter de ce chaos pour relancer des frappes et des opérations militaires contre des populations mises à genoux par le tremblement de terre.