Retour à un mode de vie ancestral
Sur l'île de Pâques, on ne veut plus du tourisme du monde d'avant

Les habitants de l'île de Pâques ont survécu à deux années sans l'apport financier du tourisme de masse, en raison du Covid-19. Ils remettent donc en question la manière dont leur île était exploitée ces dernières décennies, et réfléchissent à un nouveau mode de vie.
Publié: 10.08.2022 à 09:49 heures
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Olga Ickapakarati avait l'habitude de vendre aux touristes de petites figurines de moai en pierre, mais a dû se résoudre à retrouver les gestes de ses ancêtres et cultiver la terre. «On s'est retrouvés sans rien, alors on a commencé à jardiner» autour de la maison de bois et de son toit en tôle, raconte-t-elle à l'AFP.
Photo: PABLO COZZAGLIO

Si les visiteurs sont toujours les bienvenus, les indigènes Rapa Nui veulent désormais faire perdurer un mode de vie ancestral retrouvé, protéger leur île et résister à la tentation d'un retour au monde d'avant. «Le moment que les anciens avaient prédit a fini par arriver», dit à l'AFP Julio Hotus, membre du Conseil des anciens de l'île de Pâques, isolée au milieu du Pacifique, à 3500 km des côtes chiliennes, et mondialement connue pour ses centaines de statues monumentales, les moai.

Les anciens du peuple Rapa Nui avaient, selon lui, insisté sur l'importance d'assurer l'autonomie alimentaire de l'île. Un avertissement que les dernières générations ont feint d'écouter. Et du jour au lendemain en mars 2020, les 7000 habitants permanents de l'île de 24 km de long pour 12 de large ont coupé tout lien aérien avec le monde extérieur pour se protéger du Covid-19.

Retour à la terre

Olga Ickapakarati avait l'habitude de vendre aux touristes de petites figurines de moai en pierre, mais a dû se résoudre à retrouver les gestes de ses ancêtres et cultiver la terre. «On s'est retrouvés sans rien, alors on a commencé à jardiner» autour de la maison de bois et de son toit en tôle, raconte-t-elle à l'AFP.

Pour que la population subvienne à ses besoins, la municipalité de l'île de Pâques avait dans l'urgence mis en place un programme de distribution de graines, et Olga a planté tomates, épinards, betteraves, blettes et céleri mais aussi des aromates: basilic, origan, coriandre.

Ce qu'elle ne consommait pas, elle le donnait à d'autres familles, qui à leur tour partageaient leur récolte avec d'autres, formant ainsi un vaste réseau d'entraide. «Tous les insulaires sont comme ça, ils ont le cœur sur la main. Si je vois que j'en ai assez (de légumes), je le donne à une autre famille», ajoute cette «Nua» ou grand-mère en langue Rapa Nui, qui vit avec ses enfants et petits-enfants.

Deux années libérés de la frénésie du tourisme de masse, les habitants de l'île ont expérimenté une vie nouvelle et ne veulent aujourd'hui plus revenir en arrière, à la période pré-pandémique qui voyait 11 avions hebdomadaires débarquer 160'000 touristes chaque année. «Nous allons poursuivre le tourisme, mais j'espère que la pandémie a été une leçon que nous retiendrons pour l'avenir», souffle Julio Hotus.

Jeudi, après 28 mois d'isolement, un avion a atterri pour la première fois, générant l'excitation des habitants qui se languissaient de voir de nouveaux visages. La réouverture au tourisme sera graduelle avec deux vols par semaine, mais la fréquence augmentera progressivement. Pour l'heure, les grands hôtels restent portes closes.

Moai vulnérables au changement climatique

L'isolement forcé a également conduit le peuple Rapa Nui à réfléchir à l'impérieuse nécessité de prendre soin des ressources naturelles: accès à l'eau et production d'énergie verte.

La priorité sera également donnée aux habitants de l'île en termes d'emplois, en application de «codes culturels» tels le Tapu, une règle ancestrale qui favorise la solidarité, explique le maire de l'île de Pâques, Pedro Edmunds Paoa. «Le touriste, à partir d'aujourd'hui, devient un ami du lieu, alors qu'auparavant il était un étranger qui nous rendait visite», ajoute-t-il.

Les moai sculptés qui peuvent atteindre 20 mètres de haut et peser 80 tonnes, emblèmes de l'île de Pâques avec les mystères qui les entourent, sont aussi au centre de nouvelles réflexions. «Le changement climatique, avec ces événements extrêmes, met en danger notre patrimoine archéologique», met en garde Vairoa Ika, directrice de l'environnement de la municipalité. «La pierre se dégrade, donc les parcs vont prendre leurs mesures et les protéger», explique-t-elle sans plus de précision.

«Le problème avec les moai, c'est qu'ils sont très fragiles (...) Nous devons laisser de côté la vision touristique et paysagère et prendre vraiment soin de ces pièces et les protéger» car «elles ont une valeur incalculable», renchérit Julio Hotus, espérant que ses conseils d'ancien seront écoutés.

(AFP)

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