Rassurant ou préoccupant?
Différentes voix s'élèvent contre le renvoi de criminels vers l'Afghanistan

Pour la première fois depuis la prise de pouvoir des talibans, la Suisse a expulsé deux Afghans gravement criminels. Treize autres délinquants devraient suivre. Les réactions sont mitigées, Amnesty International en particulier se montre préoccupée.
Publié: 16.10.2024 à 14:41 heures
L'«opération Kaboul» du ministre de l'asile Beat Jans suscite des réactions plutôt réservées de la part des ONG et des politiciens.
Photo: KEYSTONE
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Joschka Schaffner

La Suisse expulse à nouveau vers l'Afghanistan. Comme l'a rapporté Blick, deux Afghans gravement criminels ont récemment été expulsés du pays par vol de ligne, une première depuis la prise de pouvoir des talibans. Après l'Allemagne, la Suisse est seulement le deuxième pays d'Europe à avoir procédé à un tel rapatriement.

Selon les informations de la rédaction, 13 autres criminels afghans condamnés se trouvent en Suisse. Ils doivent eux aussi être expulsés «le plus rapidement possible», fait savoir Vincenzo Mascioli, vice-directeur du Secrétariat d'État aux migrations (SEM).

Le chef de l'UDC en charge de l'asile ravi et surpris

L'«opération Kaboul» du ministre de l'asile Beat Jans suscite des réactions plutôt réservées de la part des ONG et des politiciens. C'est l'UDC qui accueille le projet avec le plus de satisfaction: «Il est grand temps que les criminels afghans soient expulsés, déclare son chef de l'asile et conseiller national Pascal Schmid. Mais tous les criminels étrangers devraient être expulsés, tout comme les requérants d'asile déboutés.»

Pascal Schmid se montre tout de même un peu surpris: à la mi-septembre, il demandait encore au SEM, par le biais d'une intervention, si la Suisse souhaitait bientôt suivre l'Allemagne. Le SEM a répondu que l'évolution de la situation en Afghanistan était suivie. Des mesures de rapatriement seraient mises en place dès que les conditions opérationnelles le permettraient. «À l'époque, on avait plutôt l'impression que rien n'était prévu prochainement», dit Schmid. Mais il s'avère aujourd'hui que le SEM préparait en fait déjà les premières opérations.

L'Organisation d'aide aux réfugiés met en garde

L'Organisation suisse d'aide aux réfugiés se montre en revanche assez sobre. Selon elle, la possibilité de renvoyer des individus criminels dans leur pays d'origine est en fin de compte ancrée dans la loi suisse. Elle met toutefois en garde: «Chaque cas individuel doit être examiné avec prudence». Selon elle, personne ne devrait être renvoyé dans un pays s'il y est menacé de torture, de persécution ou même de mort. Et contrairement à Pascal Schmid, l'Organisation d'aide aux réfugiés voit que la situation ne cesse de se dégrader depuis 2021 en Afghanistan.

De plus, les délinquants ne représenteraient qu'une petite minorité. «La plupart des Afghans en Suisse se comportent correctement et pacifiquement», fait savoir l'Organisation d'aide aux réfugiés. «Il est important de ne pas criminaliser en bloc un groupe de réfugiés sur la base d'incidents isolés, aussi tragiques soient-ils.»

Vers un durcissement des renvois ?

L'organisation de défense des droits de l'homme Amnesty International est plus claire: elle refuse tout renvoi vers l'État taliban. «Il est effrayant que les autorités suisses renvoient des personnes en Afghanistan malgré la gravité de la situation des droits humains», déclare Kishor Paul, expert en asile et migration. Selon lui, la Suisse sape ainsi le droit international en vigueur.

Amnesty International craint que le renvoi des délinquants afghans ne soit que le début d'une nouvelle pratique de renvoi plus sévère de la part des autorités suisses en matière d'asile. Mais ce qui choque les organisations d'aide aux réfugiés conviendrait à l'UDC: le parti se plaint depuis longtemps que la Suisse n'expulse pas assez systématiquement les délinquants étrangers.

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