Le visage masqué, de jeunes Russes se tiennent devant un char. Comme plus de 200'000 autres, ils ont été enrôlés à la faveur de la mobilisation partielle décidée par Vladimir Poutine. Parce que le président manque cruellement de soldats au front.
Mais, sur le terrain, les conditions dans l'armée russe sont catastrophiques. Depuis le début de la guerre d'agression en Ukraine, des rapports font régulièrement état d'un équipement déficient. Une vidéo tournée par de jeunes Russes permet d'accréditer cette thèse, tout comme leur sous-entraînement: tout juste ont-ils appris rapidement à manier une arme, explique «Ostorozhno», un média russe.
Il est inimaginable de se retrouver au front avec des compétences si limitées, de même qu'un équipement déficient, se plaignent-ils dans la vidéo tournée avec les moyens du bord. On leur avait pourtant promis que personne ne se retrouverait à combattre sans formation, ni armes ou munitions adéquates. Certains d'entre eux ont acheté eux-mêmes des gilets pare-balles, pour prolonger leur espérance de vie sur le terrain.
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«Le massacre a commencé»
Ces jeunes Russes sont membres du 15e régiment d'infanterie motorisé, selon les recherches de «Focus». Ils n'auront «tenu» qu'un mois: début octobre, ils ont été envoyés dans l'est de l'Ukraine, là où ils ont tourné leur vidéo le 8 octobre. Elle a été mise en ligne sur YouTube le 17 octobre, quatre jours avant leur décès en fin de semaine dernière.
Les circonstances ont été terribles: les officiers russes leur ont expliqué qu'ils devaient avancer dans une contre-offensive qui serait soutenue par des chars. Mais les blindés se sont ensuite retirés, les laissant sous-équipés sous le feu ukrainien. «Le massacre a ensuite commencé», raconte l'épouse de l'un des nombreux soldats décédés à «Ostorozhno». Un récit qu'elle a obtenu d'un survivant.
Selon les dires de celui-ci, la retraite russe aurait été chaotique. Les survivants ont couru comme ils le pouvaient jusqu'à trouver une autre position russe. Là, ils auraient demandé à pouvoir parler à un commandant. On leur aurait alors dit: «Soit vous retournez au front, soit vous allez en prison.» Ils auraient également été traités de lâches.
Les parents tentent de récupérer leurs enfants
Les officiers ont tout de même admis que des erreurs avaient été commises et que les recrues recevraient un entraînement adéquat pour le front. Les parents des jeunes hommes tentent maintenant de faire en sorte que leurs proches puissent rentrer chez eux. Mais l'armée refuse et explique qu'elle ne sait pas exactement où se trouvent les soldats.
La mobilisation de septembre en Russie avait déclenché une série de manifestations dans le pays. Des dizaines de milliers d'hommes en âge de servir ont fui la conscription pour se rendre à l'étranger, principalement dans les pays voisins. Le Kazakhstan a signalé plus de 200'000 entrées en provenance de Russie en l'espace de deux semaines.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, avait accusé la Russie d'envoyer des réservistes en Ukraine comme «chair à canon» avec sa mobilisation partielle. Voilà quelques recrues qui, si elles le pouvaient encore, ne diraient pas le contraire.