Protestations violentes
La Géorgie s'enfonce dans la crise avant l'élection présidentielle

La Géorgie plonge dans une crise politique avant l'élection présidentielle. Des manifestations proeuropéennes se poursuivent à Tbilissi, contestant le parti au pouvoir. L'opposition dénonce des irrégularités électorales et accuse le gouvernement de dérives autoritaires.
Publié: 13.12.2024 à 14:36 heures
Comment la Géorgie va-t-elle sortir de cette crise?
Photo: Getty Images
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AFP Agence France-Presse

La Géorgie s'enfonce vendredi dans la crise politique avec de nouvelles manifestations pro-européennes, à la veille de l'élection par le parlement du nouveau président, poste acquis au parti au pouvoir et occupé jusqu'ici par une de ses critiques.

Ce pays du Caucase est plongé dans la crise depuis les élections législatives du 26 octobre, remportées par le parti au pouvoir du Rêve géorgien mais contestées par l'opposition pro-européenne, qui les juge entachées d'irrégularités.

Faire plier le gouvernement

Fin novembre, la décision des autorités de repousser à 2028 les ambitions du pays d'intégrer l'UE, un objectif inscrit dans la constitution, a mis le feu aux poudres, provoquant des manifestations émaillées de violences. Celles-ci sont entrées jeudi dans leur troisième semaine.

Les manifestants se disent déterminés à faire plier le gouvernement, qu'ils accusent de dérive autoritaire prorusse. Une douzaine de rassemblement étaient encore prévus vendredi dans la capitale Tbilissi, et la manifestation quotidienne du soir devrait de nouveau se prolonger dans la nuit.

Un nouveau pic de tensions est attendu samedi, lorsque le Rêve géorgien compte faire élire à la présidence du pays l'ex-footballeur d'extrême droite Mikheïl Kavelachvili, une figure loyale au pouvoir.

Des nouveaux rassemblements prévus

Un rassemblement est déjà annoncé pour samedi matin devant le Parlement, où un collège électoral contrôlé par le parti devra l'élire lors d'un vote boycotté par l'opposition.

La présidente actuelle, Salomé Zourabichvili, qui ne dispose que de pouvoirs limités mais est en rupture avec le gouvernement et soutient les manifestants, a annoncé qu'elle refusera de rendre son mandat tant que de nouvelles législatives n'auront pas été organisées.

«Parce l'élection (législative d'octobre) a été volée, (Salomé Zourabichvili) doit rester et, d'une manière ou d'une autre, nous guider dans cette situation très compliquée», estime Dariko Gogol, une femme de 53 ans croisée par l'AFP dans un cortège de protestataires devant le Parlement.

Plus de 400 arrestations

Comme les autres manifestants, cette employée d'une ONG chargée de programmes de développement réclame de «nouvelles élections qui ne soient pas encore une fois truquées». Lors des deux premières semaines de manifestations, la police a utilisé du gaz lacrymogène et des canons à eau pour disperser les rassemblements quotidiens réunissant des milliers de personnes. Des protestataires ont utilisé des mortiers d'artifice.

Plus de 400 manifestants ont été arrêtés, selon des chiffres officiels. De multiples cas de violences policières contre des manifestants et des journalistes ont été documentés par des ONG et l'opposition, une répression dénoncée par les États-Unis et les Européens.

Le Rêve géorgien a accusé les manifestants et l'opposition d'être responsable des violences, relevant que les rassemblements étaient depuis plusieurs jours plus calmes, alors que des descentes de police ont conduit à la saisie de quantités de feux d'artifices. Vendredi, Washington a annoncé avoir interdit de visa une vingtaine de personnes accusées de «saper la démocratie» en Géorgie, parmi lesquelles des ministres en exercice et des parlementaires.

Un président pas légitime?

Pas encore élu, Mikheïl Kavelachvili voit sa légitimité déjà remise en cause par des experts en droit constitutionnel, en particulier un des auteurs de la constitution géorgienne, Vakhtang Khmaladzé. Car le Parlement a ratifié les mandats des élus, en contravention de la loi qui exigeait d'attendre la décision de justice concernant la demande de Salomé Zourabichvili d'annuler les résultats du scrutin d'octobre.

«La Géorgie est confrontée à une crise constitutionnelle sans précédent», a déclaré Vakhtang Khmaladzé à l'AFP, ajoutant que «le pays se retrouve sans Parlement ni pouvoir exécutif légitimes. Et le prochain président sera tout aussi illégitime».

L'échange téléphonique de mercredi entre le président français Emmanuel Macron et Bidzina Ivanichvili, président honoraire du parti Rêve géorgien, illustre ce flou institutionnel: pour réclamer la libération de tous les manifestants pro-UE arrêtés, M. Macron a appelé l'homme fort de la Géorgie plutôt que le Premier ministre Irakli Kobakhidzé.

Pour les Géorgiens manifestant vendredi à Tbilissi, l'élection de samedi ne changera rien. Mikheïl Kavelachvili «sera élu, et nous manifesterons encore», affirme Mariam Kevlishvili, sifflet rose et drapeau géorgien autour du cou. Pour cette femme de 28 ans, «la violence ne vient que du gouvernement», qui sera «tenu responsable de tout ce qui se passe dehors».


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