Avant la première guerre russo-ukrainienne de 2014, presque personne en Europe occidentale n'avait entendu parler du Donbass. Ce territoire de l'est de l'Ukraine est peu attrayant sur le plan touristique, politiquement négligé par Kiev, et l'âge d'or économique de cette ancienne région minière est depuis longtemps derrière elle.
Pourquoi donc Vladimir Poutine veut-il absolument conquérir cette terre pauvre de l'Ukraine orientale, et ce dès la première frappe en 2014? Le Donbass se situe à l'extrême est de l'Ukraine, à la frontière avec la Russie.
Son objectif, à l'époque comme aujourd'hui: un pont terrestre vers la péninsule de Crimée, occupée par la Russie depuis 2014. Sans contrôle sur le Donbass, il ne reste à Poutine que le pont de Crimée, construit en 2018, pour atteindre le territoire conquis par voie terrestre.
Sloviansk est déjà (presque) tombée une fois
Le président russe affirme que la population russophone et d'origine russe du Donbass est discriminée par Kiev. Son gouvernement parle ouvertement d'un «génocide»... Dont le «gouvernement nazi» de Kiev serait responsable. À l'apogée de cette réthorique, l'invasion totale du pays en février 2022, qualifiée «d'opération spéciale de dénazification» de la région.
Depuis 2014, les séparatistes prorusses, soutenus par Moscou, occupent de vastes zones du territoire ukrainien. Les villes de Louhansk et de Donetsk, entre autres, sont devenues des républiques populaires russes non reconnues au niveau international. La ville de Slowjansk, qui compte 100'000 habitants, a également été brièvement sous contrôle russe, mais a pu être reprise par les Ukrainiens en juillet 2014.
L'humiliation de 2014 en jeu
La bataille de Sloviansk qui s'annonce revêt donc un caractère hautement symbolique. Poutine veut faire oublier l'humiliation de 2014. Slowjansk ne doit pas lui échapper à nouveau, cette fois-ci.
Selon les services secrets britanniques, les troupes de Poutine ne se trouvent actuellement plus qu'à une quinzaine de kilomètres des limites de la ville. Rien que la semaine dernière, elles ont progressé d'environ cinq kilomètres. Depuis environ deux jours, les soldats russes feraient une pause stratégique.
Les experts supposent que les troupes se reposent et se réarment afin de lancer l'assaut sur Sloviansk et la ville voisine de Kramatorsk dans les jours à venir. Si ces deux villes tombaient, l'ensemble du Donbass serait de facto sous contrôle russe. Et Vladimir Poutine pourrait faire passer cela pour une victoire partielle à Moscou.
(Adaptation Antoine Hürlimann)