Procès à Lyon
La folle histoire du patron des stups qui a fait sortir son indic de prison

Le procès d'un ex-patron des stups s'ouvre à Lyon à partir de lundi. Il est accusé d'avoir planifié la sortie de prison de l'un de ses informateurs. Il encourt 15 ans de réclusion.
Publié: 21.09.2024 à 11:40 heures
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AFP Agence France-Presse
Les agissements du patron ont mené au démantèlement de son service.
Photo: Shutterstock

Ancien chef de la lutte anti-drogues, François Thierry est jugé à partir de lundi à Lyon pour avoir organisé une garde à vue «fictive» afin de sortir de prison un de ses informateurs, gros trafiquant de cannabis, pour suivre une livraison.

Celui qui fut patron de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis) de 2010 à 2016, et dont les méthodes ont conduit au démantèlement de ce service, comparaîtra toute la semaine devant la cour criminelle du Rhône. Jugé pour «faux en écriture par personne dépositaire de l'autorité publique» et «destruction» de preuves, l'ex-super-flic, 56 ans, encourt 15 ans de réclusion.

«Mon client a un sentiment d'injustice, ce procès est une honte», estime Me Francis Szpiner qui plaidera l'acquittement. «La fausse garde à vue n'a causé de tort à personne et a eu lieu avec la bénédiction du parquet de Paris», dit-il à l'AFP.

Libération d'un indic

L'enjeu du procès sera de déterminer quelles informations François Thierry a communiqué à l'autorité judiciaire lorsqu'en avril 2012, il a rédigé un procès-verbal de garde à vue afin d'extraire de prison Sophiane Hambli.

Pendant 96 heures, cet «indic» géré en direct par le commissaire sera en fait logé dans un hôtel, où il passe de nombreux appels sur une livraison de drogues venant du Maroc, qu'il a signalée à François Thierry. Le but officiel est de laisser entrer et suivre la marchandise et démanteler les réseaux de revente en France, une «livraison surveillée» dans le jargon policier.

Quand la résine de cannabis arrive de nuit en zodiac sur une plage d'Espagne, les policiers espagnols la réceptionnent, la stockent dans un commissariat avant qu'elle ne soit livrée, en petits lots, à des trafiquants dans une villa d'Estepona, près de Marbella. Malgré les balises placées sous les voitures, seule 1,9 tonne sur six sera finalement interceptée.

Fausse garde à vue en 2012

De tout cela, rien n'a filtré jusqu'en octobre 2015. Le premier, Hubert Avoine, un autre «tonton» (indicateur) de François Thierry, écrit au procureur de Paris pour dénoncer «les méthodes douteuses» du policier et décrit l'opération espagnole à laquelle il a participé. Une enquête préliminaire est ouverte.

Le 17, des douaniers découvrent sept tonnes de cannabis boulevard Exelmans à Paris, au pied d'un immeuble où vit Sophiane Hambli, qui est alors en liberté. Cette saisie exceptionnelle est saluée par le président François Hollande. Las, il s'avère que la drogue est arrivée en France dans le cadre d'une «livraison surveillée» opérée par l'Octris.

D'autres investigations sont lancées et, lors d'une audition, un policier évoque la fausse garde à vue de 2012. Les magistrats relèvent «la troublante concordance des temps» avec l'affaire d'Estepona. Deux enquêtes avancent alors en parallèle: l'une sur Estepona et la garde à vue, dépaysée à Lyon, l'autre sur la saisie d'Exelmans, dépaysée à Bordeaux.

Elles visent d'abord à vérifier que l'Ocrtis n'a pas facilité l'importation de drogue ni été instrumentalisé par Sophiane Hambli, aujourd'hui détenu au Maroc où il purge depuis 2022 une peine de 20 ans.

Faux PV et destruction de preuves

Après une série d'auditions très médiatisées, François Thierry, qui a toujours nié avoir mené «des opérations de barbouzes», est mis en examen dans les deux dossiers, en 2017 et 2019, pour «complicité» de trafic de stupéfiants. Cet été, les juges d'instruction bordelais ont décidé de le renvoyer devant la justice sur ce chef, à une date encore inconnue.

Si leurs confrères lyonnais rendent un non-lieu sur ce point, estimant ne pas avoir trouvé de preuves «de malversations», le commissaire devra répondre de la rédaction du faux PV de garde à vue, de sa destruction, ainsi que de la disparition de téléphones ayant servi lors de l'opération d'Estepona. François Thierry, qui supervise aujourd'hui la stratégie numérique de la police nationale, reconnaît les faits mais réfute toute infraction, au motif que le parquet de Paris a, selon lui, été associé à toutes les étapes de la garde à vue fictive.

L'ancienne procureure-adjointe Véronique Degermann, comme ses collègues, n'avait reçu qu'une «information parcellaire», ont toutefois estimé les magistrats instructeurs en abandonnant les poursuites à leur encontre. La procureure, retraitée depuis un an, est citée à comparaître dans ce procès qui pourrait tourner au «parole de policier contre parole de magistrat».

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