Prison militaire post-11 septembre
Trump peut-il légalement envoyer 30'000 migrants à Guantanamo?

Donald Trump veut faire de Guantanamo un centre pour 30'000 migrants expulsés, soulevant des enjeux juridiques sur leurs droits et les obligations des États-Unis. Mais peut-il légalement transformer cette prison militaire en centre d'asile?
Publié: 18:38 heures
Donald Trump souhaite envoyer 30'000 migrants dans la prison de Guantanamo. Est-ce légal?
Photo: IMAGO/ZUMA Press Wire
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AFP Agence France-Presse

Donald Trump veut faire de la base américaine de Guantanamo à Cuba un centre géant de rétention pour 30'000 migrants sans papiers expulsés. Si des migrants y ont déjà été hébergés, avant qu'une prison militaire n'enferme des détenus post-11 septembre 2001, quelles sont les implications et limites juridiques?

Prison militaire depuis 2002

«Les installations militaires américaines peuvent jouer un rôle central dans la gestion du flux de migrants refoulés, de la détention à l'expulsion», selon le rapport de la Fondation Heritage sur la Sécurité aux frontières, publié lundi. «Actuellement, l'U.S. Immigration and Customs Enforcement (ICE) dispose d'un financement pour seulement 41'500 couchages, un nombre qui devra être considérablement augmenté» pour remplir les voeux de Trump de «plus grande opération d'expulsions de masse de l'histoire».

Les Etats-Unis ont déjà mis à disposition 16 bases militaires sur son territoire pour accueillir «de grands groupes de détenus étrangers», précise Heritage, notamment par «l'administration Biden pour héberger des enfants étrangers non accompagnés qui ont franchi la frontière en nombre sous sa présidence».

Et Guantanamo, base navale américaine de la côte sud-est de l'île de Cuba, à 1000 kilomètres de La Havane, a déjà hébergé des dizaines de milliers d'Haïtiens et de Cubains lors des crises migratoires des années 1990. Une prison militaire a été ouverte en janvier 2002 quand, quatre mois après les attentats du 11-Septembre, y sont arrivés les premiers détenus.

Discrimination

«Les migrants détenus à Guantanamo rencontreraient des obstacles significatifs pour accéder à un conseil juridique, exercer leur droit de contester la détention, et présenter leurs demandes de recours», estime Luis Cortes Romero, spécialisé dans les litiges relatifs aux droits de l'Homme pour les migrants et réfugiés.

Selon lui, «des requêtes en habeas corpus vont être déposées pour contester la légalité de la détention en invoquant le manque d'accès à une procédure régulière et la détention prolongée sans audience».

Et «si cette politique cible spécifiquement les immigrés latino-américains, des recours juridiques pourraient faire valoir qu'elle constitue une discrimination, violant la garantie de protection égale du cinquième amendement» de la Constution américaine.

Violation du droit international

Parmi les migrants qui se retrouveraient à Guantanamo, beaucoup seront des demandeurs d'asile. Or, «une politique de détention massive qui empêche l'accès aux protections de l'asile sera probablement contestée», estime-t-il encore, arguant qu'une «détention offshore illimitée viole le droit international, y compris les obligations découlant de la Convention des Nations unies sur les réfugiés».

Pour Bill Frelick, directeur de la division des droits des réfugiés et des migrants à Human Rights Watch (HRW), «la question ici est fondamentalement celle de la détention arbitraire». «Si la personne ne peut pas être renvoyée dans son pays d'origine, il n'y a plus de raison légitime pour la détention, et elle devient arbitraire». Et «lorsque la détention est indéfinie et qu'elle n'est pas soumise à un contrôle approprié, elle viole les droits de l'homme et peut s'apparenter à de la torture», souligne-t-il.

Selon Sue Hendrickson, directrice générale de Human Rights First, «la référence du président à un 'endroit difficile à quitter' fait craindre des détentions de durées indéfinies, ce qui violerait la loi et les traités des États-Unis».

Torture et honte

«Le nom de Guantanamo est synonyme de honte et d'infamie en tant que site de torture où des prisonniers sont détenus pendant des années sans inculpation ni procès», estime Bill Frelick à propos de cette «installation militaire américaine à l'étranger, isolée et hautement contrôlée, que le gouvernement américain a utilisée pour se soustraire aux protections juridiques et à l'examen public».

«L'administration Trump peut trouver le symbolisme de l'envoi de migrants à Guantanamo sombrement attrayant, cela n'entraînera que plus d'injustice, de gaspillage et de perte de crédibilité», juge Sue Hendrickson.

Conditions de détention questionnées

Luis Cortes Romero s'interroge sur les conditions de détention alors que Guantanamo a été critiqué pour ses «violations des droits de l'Homme». Selon lui, «soumettre les migrants à des conditions similaires constituerait une régression significative dans la politique d'asile et d'immigration des États-Unis».

«Tout le monde devrait s'alarmer du fait que le président Trump tente de créer un camp de détention de masse à l'abri de la surveillance et du regard du public. Des réfugiés sont déjà détenus à Guantanamo dans des conditions inhumaines, et l'agrandissement de l'installation ne sera rien de moins que désastreux», estime Deepa Alagesan, avocat auprès du Projet international d'aide aux réfugiés (IRAP).


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