Biden et Obama aussi l'avaient fait
Renvoi des migrants: quelles leçons tirer de la méthode Trump?

Le président américain promet de renvoyer par la force des millions de migrants illégaux. Il a commencé avec la Colombie. Quelles leçons retenir?
Publié: 28.01.2025 à 05:56 heures
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Dernière mise à jour: 28.01.2025 à 15:42 heures
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Une fois interpellés, les migrants illégaux sont menottés par la police américaine et escortés jusqu'aux avions pour être rapatriés.
Photo: IMAGO/ZUMA Press Wire
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Richard WerlyJournaliste Blick

D’abord un fait essentiel: Donald Trump n’est pas le premier Président des États-Unis à avoir promis le rapatriement massif de millions d’immigrés clandestins présents dans le pays

Barack Obama avait même été surnommé «le commandant en chef des déportations» par les associations de défense des droits de l’homme. Joe Biden, pour sa part, avait ordonné l’expulsion d’1,1 millions de personnes entre 2021 et 2024. Le nouveau locataire de la Maison-Blanche prétend, lui, qu’il est le premier à agir vraiment. Quelles leçons peut-on tirer, en la matière, des premiers jours de son administration?

Leçon 1: Recourir à l’armée

C’est sans doute l’image que l’on retiendra des premières déportations de migrants vers la Colombie, qui a finalement accepté de les recevoir. Des migrants menottés, les pieds entravés par des chaînes, assis dans un avion de transport de l’armée de l’US Air Force. Le recours à ces appareils militaires est inédit. 

Le «tsar des frontières» de l’administration Trump, Tom Homan, a promis que des vols auraient lieu tous les jours. En déclarant dès son entrée en fonction «l’état d’urgence» , Donald Trump a permis le recours aux hommes et femmes en uniforme. Il a aussi activé deux textes: «l’Insurrection Act» et «l’Alien Enemies Act». Puisque les États-Unis sont menacés, le recours à l’armée est justifié. Des recours restent toutefois possibles sur la base du «Posse Comitatus Act» qui interdit aux forces armées de participer à des opérations d’ordre public.

Leçon 2: C riminaliser les clandestins

Trump l’a dit et répété: tous les migrants clandestins sont selon lui des «criminels». Ils ne doivent donc pas rester en liberté. C’est l’argument choc de sa campagne actuelle «d’effroi et de sidération» (Shock and Awe) destinée à marquer les esprits. 

Concrètement, depuis le 20 janvier, tous les programmes de libération conditionnelle pour raisons humanitaires des migrants détenus ont été annulés. La fin de la citoyenneté de naissance pour les futurs bébés nés aux États-Unis dont au moins un des parents n’est pas citoyen américain ou résident permanent légal, a été abrogée (elle est déjà contestée en justice par 22 Etats). Point crucial: les mesures de Trump ne concernent pas, pour le moment, l’immigration légale.

Leçon 3: Défier le système judiciaire

L’administration Trump a ouvert une confrontation sans précédent avec le droit américain. Le président estime que ses décrets (plus de 21 déjà signés sur l’immigration clandestine) permettront de surmonter les obstacles et recours juridiques. Il n’a pas non plus attendu le vote des financements requis par le Congrès, car il estime que la majorité républicaine dans les deux Chambres obéira et votera. 

Autre défi: celui lancé aux pays étrangers, en particulier à ceux d’Amérique du Sud qui seraient tentés de refuser l’atterrissage des avions américains remplis de migrants expulsés. La Colombie l’a tenté cette semaine. Un premier avion n’a pas pu atterrir. Trump a aussitôt annoncé une augmentation massive des droits de douane et la révocation de tous les visas accordés aux ressortissants colombiens. Résultat? Bogota a cédé.

Leçon 4: Faire un meilleur score que Biden et Obama

Donald Trump a un objectif: atteindre un chiffre d’expulsés bien supérieur à ceux de ses deux prédécesseurs. Barack Obama avait expulsé des Etats-Unis 2,5 millions de migrants en situation irrégulière. Joe Biden en a expulsé entre 1 et 1,5 millions. Les estimations évoquent une population d’environ 12 millions de clandestins sur le sol américain. 

Comment dépasser ce chiffre? D’abord en procédant dès les premières semaines de son mandat – c’est-à-dire maintenant – à des renvois massifs avant que la machine judiciaire prononce les premières interdictions qui feront jurisprudence, par exemple pour des parents d’enfants nés aux Etats-Unis. 

Ensuite en profitant, ironie du sort, des données de l’application numérique CBP One mise en place par l’administration Biden et désactivée depuis le 20 janvier. Celle-ci permettait aux non-citoyens qui ne disposent pas des documents d’admission appropriés de soumettre des informations dans l’attente d’un rendez-vous pour une demande d’asile. Ils sont donc maintenant répertoriés. Et ils peuvent être traqués.

Leçon 5: Rappeler sa victoire démocratique

Donald Trump a un argument massue à opposer à tous ceux qui contestent sa politique anti-migrants: il a été élu démocratiquement le 5 novembre 2024 par une majorité d’électeurs américains qui, ce faisant, ont donc souscrit à ses promesses d’expulsion massives. Son autre argument est le chiffre qui a fait tant de mal à Joe Biden: sous sa présidence, plus de huit millions de migrants sont rentrés sur le territoire des États-Unis. «La récente vague d’immigration a été la plus importante de l’histoire du pays» reconnaît le «New York Times».

Et d’ajouter: «Cette vague dépasse le grand boom de l’immigration de la fin des années 1800 et du début des années 1900. La migration nette annuelle – le nombre de personnes qui arrivent dans le pays moins le nombre de celles qui le quittent – s’est élevée en moyenne à 2,4 millions de personnes entre 2021 et 2023, selon le Congressional Budget Office (bureau du budget du Congrès). 

Il s’agit d’un rythme d’arrivée plus rapide que pendant toute autre période enregistrée, y compris les années de pointe du trafic d’Ellis Island (à New York), au cours desquelles des millions d’Européens sont arrivés». Trump estime que sa victoire est la réponse à ces chiffres.

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