L’Inde a la cote. Et pas seulement d’un point de vue touristique. Au niveau géopolitique, le pays a acquis une popularité toute nouvelle depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les chefs de gouvernements et les ministres des Affaires étrangères occidentaux s’y rendent avec des offres d’échanges économiques et technologiques ou encore de nouvelles alliances politiques.
En guise de souvenir, ces visiteurs de haut rang en Inde aimeraient ramener de leurs voyages des accords avec de nouvelles grandes entreprises, des contrats d’armement… Et un positionnement clair en faveur du «non» à la guerre en Ukraine de la part du pays de 1,4 milliard d’habitants.
La Cour des Premiers ministres occidentaux
Le week-end dernier, le chef du gouvernement allemand a rendu visite à son homologue indien, Narendra Modi. Olaf Scholz a fait pression pour un accord de libre-échange avec l’Union européenne (UE), a offert des facilités de visa pour les professionnels indiens, notamment les spécialistes en informatique, et a fait la promotion d’un contrat d’armement avec le groupe Thyssen-Krupp, qui souhaiterait vendre à l’Inde six sous-marins d’une valeur de près de 5 milliards d’euros.
Mercredi, le secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, s’est lui aussi rendu en Inde après un passage préalable au Kazakhstan, au Kirghizstan, au Tadjikistan, au Turkménistan mais aussi en Ouzbékistan. Sa visite était motivée par la réunion des ministres des Affaires étrangères du G20, qui a commencé à New Delhi.
Son agenda prévoit des discussions sur une position claire de l’Inde contre la guerre d’agression de la Russie, mais aussi sur l’ébauche d’un partenariat stratégique axé sur les technologies critiques et émergentes. En outre, les États-Unis souhaitent assouplir les barrières commerciales de leurs exportations vers l’Inde.
Giorgia Meloni est également dans la course pour flatter le géant indien. La Première ministre italienne a atterri jeudi à New Delhi pour rencontrer Narendra Modi dans le cadre de la conférence Raisina Dialogue, qui traite de questions géopolitiques et d’économie mondiale. La cheffe du gouvernement transalpin espère aussi conclure des contrats d’armement.
Une croissance économique à deux chiffres
Le gouvernement indien a rarement été aussi courtisé. Et il n’y a pas que l’Occident qui tente de s’attirer les faveurs du pays. La Russie et la Chine s’efforcent aussi de se rapprocher de l’Inde.
«Chacune de ces grandes puissances courtise intensément l’Inde afin de priver ses adversaires d’un avantage stratégique», estime l’expert en sécurité Derek Grossmann, du think tank américain Rand Corporation, dans le quotidien «Frankfurter Rundschau». La tenue du G20 dans le pays joue certainement un rôle dans cette montée d’intérêt des puissances occidentales.
Mais la réalité économique a aussi son influence. L’Inde est désormais la cinquième économie la plus puissante du monde. Elle sera bientôt le pays le plus peuplé de la planète, car la démographie de la Chine (encore à la première place) devrait décroître.
Ces dernières années, la puissance nucléaire a connu une croissance économique constante à deux chiffres. La prospérité augmente, même si ce n’est pas partout. En outre, l’Inde débloque des fonds pour investir dans l’avenir. Narendra Modi veut ainsi consacrer 200 milliards d’euros à la défense.
Le pétrole, le gaz et l’armement viennent de Russie
Narendra Modi est ouvert à de nouveaux partenariats avec l’Occident. Les États-Unis et les pays de l’UE veulent se libérer de leur dépendance économique vis-à-vis de la Chine. De nouveaux débouchés et sites de production en Inde seraient donc les bienvenus. Une alliance avec l’Inde permettrait également d’exercer une plus grande pression sur la Russie et d’imposer la fin de la guerre en Ukraine.
En tant que nationaliste hindou, Narendra Modi ne veut pas se fâcher avec le Kremlin. Son pays achète du pétrole et du gaz bon marché à la Russie ainsi que plus de 75% de son matériel militaire. Des élections législatives sont prévues en 2024. L’énergie bon marché maintient l’électorat de bonne humeur. L’Inde continuera donc probablement à s’abstenir de voter sur les résolutions de l’ONU contre la Russie et à rester diplomatiquement neutre. Au moins à court terme.